Le caftan bleu : portrait d’une jeune créatrice passionnée !

PEUX-TU TE PRESENTER ?

Je suis une jeune auto-entrepreneuse de 23 ans , créatrice de robes, même si c’est un peu étrange, voir gênant, de dire «  je suis créatrice » parce que quand je dis « créatrice » je pense à Coco Chanel , et non pas à moi. Mais oui, on peut dire que je « crée » deux ou trois trucs.

J’ai grandi dans un quartier de Strasbourg, j’ai obtenu un bac options marketing, communication et arts plastiques. A la sortie du lycée je me suis retrouvée à la fac en sociologie, j’ai beaucoup aimé les cours, mais j’avais soif d’entreprendre…

On est entrepreneur dans ma famille de génération en génération, je crois que c’est héréditaire. Déjà petite, je travaillais avec mon père, lui-même entrepreneur.

Cette sensation de liberté et d’indépendance, mais aussi cette constante présence du risque. On aime ou on n’aime pas, personnellement je ne me voyais pas faire autre chose.

POURQUOI CREER DES CAFTANS ?

Je suis tombée amoureuse des caftans la première fois que j’en ai vu un. Depuis que je suis toute petite je dessine des robes pour, ma mère, ma sœur, mes tantes…

Comme il est écrit dans l’article dans ELLE magasine, j’ai dessiné mon premier caftan à 13 ans.

Je suis d’origine marocaine, je ne sais pas si dans la culture occidentale il y a une telle présence de la robe mais au Maroc le Caftan, les Takchitas (variante du caftan), et les Jelabas (tenue quotidienne) c’est sacré.

C’EST TOI QUI COUD TES ROBES ?

Pas au départ. Quand je me suis lancée j’ai demandé à la couturière avec qui j’étais en contact depuis toute petite, elle a accepté de devenir officiellement ma couturière, elle connaissait déjà mes goûts et savait comment je travaillais ce qui a facilité les choses. J’ai commencé à faire dans le caftan traditionnel, qui ne pouvait se faire qu’au Maroc, car il a besoin d’une main d’œuvre spécifique qui ne se trouve nulle part ailleurs.

Au bout de la deuxième année je me suis rendue compte du gouffre économique et de l’épuisement que les aller-retours me causaient. J’ai donc décidé de faire les robes moi-même (ce fut l’une des décisions les plus risquées que j’ai prise d’ailleurs encore aujourd’hui je me demande ce qui m’est passé par la tête !).

Ma mère était couturière elle avait donc quelques notions. Et moi ? Moi, je ne savais pas tenir un ciseau, ni même couper droit.  Mais j’ai vite réalisé que je n’avais pas d’autre choix ! Je ne pouvais pas tout arrêter. Ce projet, c’est tout ce que j’ai.

Quand je suis partie au Maroc pour les vacances, j’en ai profité pour demander à un couturier de m’apprendre à couper les tissus, il a généreusement accepté. Il m’a enseigné son métier les trois jours avant mon départ. Ensuite je suis ensuite rentrée en France et à force de persévérance j’ai appris.

COMBIEN DE TEMPS TE PREND LA CREATION D’UNE ROBE ?

Les gens pensent souvent que la confection d’une robe prend du temps alors que finalement c’est l’imagination, la naissance et la maturation de l’idée qui en prennent le plus. Une robe peut très bien être inspirée d’une personne, d’un sentiment, d’une image, d’une musique… Le plus compliqué est d’incarner le tout dans  un caftan.

Tout d’abord je fais des recherches afin de trouver les tissus, les couleurs, les matières, les coupes qui représenteront le mieux ce que j’ai en tête.  Les défilés de haute coutures sont une mine d’or!

Ensuite je rassemble toutes les infos récoltées et créer une robe dans ma tête, puis la matérialise avec un croquis.

Après cela arrive la partie plus « rationnelle » : lancer les commandes, commencer les découpes, faire l’assemblage, les retouches. Puis je fais le shooting photo moi-même, avec mes superbes mannequins !

Enfin viendra la mise en ligne, la communication, le marketing etc …

Lorsqu’il s’agit de la création d’une collection cela demande beaucoup d’organisation.

Parfois, quand les tissus arrivent, que tu les as entre tes mains, il se peut que tu aies une autre idée, une autre inspiration, qui va faire que toute la collection changera complètement d’axe. Et à ce moment précis, tu réalises que tu dois tout reprendre à zéro… Dur !

Au final tout est dans le ressentit, rien n’est vraiment « stable », il n’y a pas de schéma type pour la création… du moins je ne l’ai pas trouvé !

Du coup pour une robe il faut deux semaines pour la confection mais avant il y a un boulot monstre. C’est pour cela que je ne sors entre 10 et 15 robes par collection.

TU CREES PRINCIPALEMENT DES ROBES POUR LES MARIAGES ?

La majorité de mes clientes sont soit de la famille proche des mariés, soit des invitées. En générale se sont des mariages orientaux.

Les deux premières collections « LCB collection » (LCB : Le Caftan Bleu) étaient composées de caftans disons dans les « règles » traditionnelles. Après avoir commencé à créer mes robes moi-même, je suis passée à « MUSE COLLECTION » (« Muse », étant la signification de mon prénom).

Ces collections sont-elles composées de robes … j’ai du mal à définir mes robes en générale.  J’essaye de donner à chacune sa propre âme. J’espère que ça se ressent lorsqu’on les voit.

Le fait de les faire moi-même, m’a fait gagner en liberté.

Si je devais définir mes robes, je dirais « naturelles ». Selon moi, la beauté réside dans le naturel, on a souvent tendance à l’oublier, c’est pour ça que j’épure mes robes au maximum. Attention, épuré ne veut pas dire fade. Elles ont du cachet !

EST-CE QUE TU REGRETTES PARFOIS DE T’ETRE LANCEE DANS « L’AVENTURE » ?

Absolument pas !

C’est vrai, au départ, je n’avais pas un sou et ce projet paraissait complètement fou. Mais j’ai l’immense chance d’avoir une famille qui croit en moi. Ils m’ont encouragé dès le début en investissant dans mon projet. Je leurs dois tellement, sans eux rien n’aurait été possible

Je suis partie il y a deux ans, fin Mars. J’étais dans les rues de Casablanca  (alors que tout le monde était en cours) sans même savoir ce que je faisais réellement, je me disais « merde ! qu’est-ce que je suis en train de faire ? » Je dépense l’argent (qui ne m’appartient même pas) sans même savoir si tout ça a un sens… c’était frustrant et existant à la fois. Je jouais le tout pour le tout, comme je t’ai dit il faut aimer le risque…et être atteint d’une certaine folie.

Il faut entraîner son mental, car on réalise vite que tout se joue dans la tête. Au fur et à mesure, tu commences à te roder psychologiquement.

Surtout quand tu es dans une phase où tout ton entourage étudie, a un job, signe des CDI et toi t’es là, tu ne fais que réinvestir le moindre de tes centimes sans aucune sûreté, sans aucune visibilité sur ton avenir.  Psychologiquement c’est quelque chose.  Mais après c’est toi qui a pris cette décision, personne ne t’a obligé à faire ce que tu fais. Il faut assumer

Avec du recul, je n’aurais pas pu rêver mieux. Faire de sa passion son métier, quoi demander de plus sérieusement ? De plus j’ai la chance d’avoir de merveilleuses clientes. Douces, sensibles, fidèle et qui savent ce qu’elles veulent. Ce sont le genre de clientes de qui ont dit qu’elles sont « difficiles » car elles n’aiment pas suivre simplement la mode. Leurs goûts sont pointus, et logiquement, elles sont rarement conquises. Alors Je te laisse imaginer ce que je ressens quand elles trouvent leur bonheur chez moi ! C’est un honneur !

TU N’AS JAMAIS EU DE GROS DOUTES QUI T’ONT FAIT PENSER QUE TU NE POURRAIS PAS CONTINUER ?

Si, souvent. Il y a des phases, mais c’est humain je pense… la peur, le doute ! Après à toi de leur laisser plus ou moins de place.

Il faut aussi savoir d’où tu viens. Si je fais ça c’est pour ma famille aussi. Quand tu viens d’un milieu qui n’est pas aisé, ta première motivation c’est de mettre les tiens à l’abri. Du coup quand ça va mal à un moment et que tu vois tes proches, tu te dis que tu n’as pas le droit de lâcher. Tu leur est plus que redevable. Tu te dois de tout donner pour eux, non pas parce qu’ils ton aidé. Mais bien parce que ce sont les tiens. Ils sont une source de motivation sans limite ! Et puis quand tu vois les sacrifices que tu as fait tu te dis que tu ne peux pas arrêter pour ça. Certains passe par bien pire ! Il faut apprendre à dédramatiser aussi, c’est important !

Et puis, il y a les moments où tu es à sec, tu n’as pas d’argent du coup tu te retrouves à bosser en intérim, à faire petits jobs par ci par là. N’importe qui créant sa boîte juste avec son argent (sans aide, sans crédit) te diras que c’est compliqué.

Il y a aussi des phases où tu n’as pas d’inspiration. Par moment c’est frustrant. Quand tu es dans le domaine artistique que tu sois,peintre, rappeur ou romancier, sans inspiration tu ne peux pas travailler. Après, je n’ai pas l’impression qu’on puisse la dompter ! Il faut simplement l’accepter.

Au final, je pense que le plus important c’est d’être persévérant, mais pas obstiné. Disons clairvoyant : quand tu fais n’importe quoi, tu t’arrêtes, tu te calme. Tu dois savoir te remettre constamment en question. Tu dois t’entraîner à ne pas avoir peur de l’échec. Les efforts ne sont jamais inutiles, au mieux tu réussis, au pire tu apprends. Mais il faut continuer à avancer.

COMMENT VOIS-TU L’AVENIR DE TON ENTREPRISE ?

Honnêtement j’avance calmement dans le plus grand des freestyles. J’ai deux ou trois idées en tête mais je suis encore en pleine réflexion. Je me laisse du temps, la précipitation peut s’avérer fatale.

J’aimerais laisser évoluer le concept « Muse ». Passer des vêtements de soirée à ceux du quotidien, c’est un autre risque mais ça me plairait bien d’habiller les filles dans la vie de tous les jours.

UN CONSEIL POUR CEUX QUI VOUDRAIENT ENTREPRENDRE ?

Je ne pense pas être la mieux placer pour donner des conseils… Mais que l’on soit étudiant ou entrepreneurs, la galère est à peu de chose près, la même. On n’est jamais sûr du résultat.

Je pense que la persévérance est plus que nécessaire. Il faut savoir s’accrocher.

Évidemment on n’est pas tous née avec une cuillère en argent dans la bouche. Et en plus du milieu social qui n’est pas toujours favorable, on est nombreux à devoir faire face à des préjugés, des clichés, des discriminations… Mais ce ne sont pas des excuses pour ne rien faire. Au contraire.  Apprendre à faire de ces désavantages, une force. Et puis, quoi de plus satisfaisant que de briser les cases dans lesquelles on nous a mis ?

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