Qu’est-ce qu’un CITL (centre d’initiation au travail et aux loisirs) ou un CAJ (centre d’activités de jour) ? Ce sont des établissements d’accueil à la journée, à visée socio-éducative, pour des personnes en situation de handicap avec, à terme, un but : l’insertion sociale (par le biais économique notamment). On en trouve par dizaine rien que dans les Hauts-de-Seine et c’est dans l’un d’eux que nous nous sommes rendus pour faire un pas de côté par rapport à notre vie de valide. Ce sont les usagers et le personnel encadrant qui nous ont gentiment accueillis afin de nous faire une visite des locaux et nous présenter la structure.
Ce centre localisé à Sceaux (sud du 92) permet à des individus de 20 ans ou plus et qui sont porteurs d’un handicap mental léger (un handicap moteur également), mais en capacité de travailler, de retrouver confiance en eux et de mener à bien un projet individuel pour leur donner les bases de l’autonomie. L’objectif étant de pouvoir se réinsérer dans la société en travaillant dans des milieux protégés ou en ESAT (établissement et service d’aide par le travail). Juliette Durieux l’avait déjà évoqué lors d’une interview sur l’ESAT Pleyel, ces bâtiments particuliers proposent en effet plusieurs corps de métiers tels que le conditionnement, le jardinage ou encore (donc) la restauration. L’accompagnement proposé par le CITL se fait sur trois ans, le temps pour tout le monde de « s’apprivoiser » et surtout de s’assurer de la viabilité de leurs aspirations. Attention, tous les CITL ou CAJ de France n’ont pas ce même but que celui dont nous vous parlons. En effet, certains prendront tous les handicapés en charge même ceux qui ne pourront jamais s’occuper professionnellement parlant. Dans ce cas, le CAJ mise uniquement sur des activités de loisirs comme des activités physiques et créatives. D’ailleurs, nous tenons à préciser qu’à Sceaux, il y a également des jeunes qui ne sont clairement pas en capacité d’accéder à un emploi. Des exceptions sont réalisées, dû souvent à l’insistance des parents qui espèrent que leur enfant pourra, lui aussi, travailler comme tout le monde. Ces derniers seront transférés plus tard vers un nouvel organisme qui pourra les prendre en charge sur la longueur.
Le fonctionnement du CITL
A Sceaux (normalement, c’est pareil dans les autres CAJ), c’est la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) qui envoie les futurs usagers. Madame Desmenois, la cheffe de service, dont le rôle est justement d’accueillir ces personnes ou de les refuser en fonction de leur adaptabilité, nous confiait qu’il y avait souvent des ratés. Il faut savoir que la MDPH sélectionne les gens sur des dossiers et ce, sans jamais les recevoir. Cela conduit forcément à des incompatibilités. A ce propos, une jeune usagère Amélie (dont le prénom est modifié) nous a confié que c’était difficile d’être entourée de personnes ayant une invalidité plus importante que la sienne. Du coup, elle se sent moins à sa place. C’est pour éviter ces inconvénients, que les adultes ont une période d’essai de plusieurs semaines avant de prendre la décision de s’inscrire définitivement. Dès cette étape effectuée, la régularité des présences est demandée pour mener à bien le suivi.
Le CITL de cette banlieue du sud de Paris a la capacité de recevoir, en externat, 22 adultes handicapés et ouvre tous les jours de la semaine entre 9h et 17h. Une pause estivale est prévue au mois d’août. L’équipe encadrante est répartie en quatre pôles : l’éducatif (éducateurs spécialisés, techniques, sportifs…), le paramédical et médical (psychomotricienne et psychologue), les services généraux puis l’administratif. Durant les moments de groupe, les deux premiers pôles sont en contact permanent avec ces adultes déficients intellectuels, mais également lors des entretiens. Ce sont eux qui vont s’occuper de gérer la vie du groupe et d’aider et de répondre aux besoins des usagers. En ce qui concerne les frais, le CITL est subventionné par le département. Quant aux usagers, ils ne payent rien hormis les repas qu’ils achètent à Picard. Sans transition, nous avons souligné l’utilisation du vouvoiement. Il est de rigueur pour parler et échanger tout en incluant une notion de respect et de préparation face à ce qui les attend par la suite (en général, on se vouvoie dans le cadre de sa fonction).
Les activités et stages de découverte proposés
Lorsque nous sommes arrivés, les usagers étaient en pleine partie du célèbre jeu Dessinez, c’est gagné. On nous a bien entendu précisé que c’était uniquement possible parce que les vacances approchaient à grand pas. Eh oui, ce n’est pas un centre de loisirs à proprement parler, mais bien un endroit où la perspective du travail est omni présente. Pour ce faire, un accueil individualisé est mis à disposition et articulé en fonction de chacun. Il s’agit de repérer les connaissances et de valoriser l’affirmation de soi en vue d’une intégration prochaine dans le monde du travail (protégé). Pour les usagers dont l’emploi semble accessible, un véritable engagement avec des partenaires extérieurs est mené. Par exemple, au CITL de Sceaux, la SPA et les Restos du Cœur les accueillent une demi journée dans la semaine pour renforcer l’équipe des bénévoles. Alexandre (un usager) nous a brièvement expliqué les contours de sa mission : « on sort les chiens dans le bois voisin, on s’occupe des chats en changeant les bols d’eau et de nourriture. On peut aussi s’atteler au nettoyage des cages ». La difficulté de trouver des partenaires existe réellement, donc, le centre est en recherche constante de nouvelles associations. C’est très important puisque ces mises en situation (ouverture sur l’extérieur) sont essentielles dans l’action menée (favoriser le lien social et accentuer la prise de décision).
Le conditionnement en ESAT.
Le reste du temps, au sein même de la structure, des ateliers divers et adaptés sont proposés, toujours dans cette optique d’optimiser les compétences acquises et de développer l’autonomie. Ainsi, un petit groupe prépare le repas pour les 25 personnes tandis qu’un second groupe s’occupera de la vaisselle. Cela induit une certaine organisation et leur apprend les gestes du quotidien. Après, les usagers peuvent être confrontés à un atelier peinture ou scrapbooking. Souvent, ils affichent le résultat sur les murs et organisent une exposition où les œuvres pourront trouver preneur. La prochaine grande organisation de ce style se tiendra en décembre et les profits générés serviront à financer un voyage (en Europe). Nous avons pu remarquer que certains d’entre eux avaient un réel talent ! Les dessins accrochés reflétaient un coup de crayon réaliste et assuré. Dans la salle informatique, certains pensent et créent leur CV en compagnie d’un éducateur pendant que d’autres révisent le code. Enfin, plusieurs sorties culturelles sont programmées afin de maintenir les acquis : la visite du Château de Versailles entre autres, mais également des manifestations sportives pour stimuler le corps comme l’accrobranche ou la piscine.
Au quotidien on ne s’en rend pas forcément compte : les personnes handicapées sont présentes et nombreuses dans notre environnement. Il n’y a qu’à observer la multitude des CITL existants !! Malgré ce fait notoire, les infrastructures ne sont pas (toujours) prêtes à accueillir ce public. Ils restent en marge de nos sociétés (parfois on ressent de la gêne ou même de la peur à cause d’une méconnaissance de ce sujet) alors que l’on gagnerait à les prendre en considération. Selon le site fonction-publique.gouv.fr, en 2011, ce sont près de 100 000 entreprises qui ont employés près de 600.000 personnes en situation de handicap. Lorsque l’on sait qu’en France, il y a plus de 12 millions d’handicapés dont 6,6% sont atteints d’un handicap mental ou intellectuel (d’après Talentéo, un blog de référence sur le handicap, ndlr) et même si une bonne part d’entre eux ne sont pas en mesure de travailler, il reste urgent d’agir pour faciliter l’accès à ceux qui le peuvent. Passer d’un ESAT à une entreprise « normale » est parfois envisageable. Encourageons toutes ces possibilités !
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- Nota bene : L’image choisie pour la Une reflète le handicap dans son ensemble (physique en l’occurrence) dans le domaine du travail. Il était indispensable qu’elle soit parlante pour comprendre ce qu’on allait évoquer dans cet article. Pour être très précis et compris, les jeunes adultes rencontrés dans le cadre du CITL de Sceaux étaient atteints d’une déficience mentale (sauf un, qui était donc une exception) et non moteur. Nous concédons volontiers que ces deux handicaps sont très différents et ne posent pas les mêmes problèmes quant à l’accession à l’emploi (l’un peu exercer en milieu ordinaire, alors que pour l’autre c’est souvent impossible). Par contre, il ne faudra pas être démago pour reconnaître que la difficulté est bien présente dans les deux cas. Cette illustration présente l’intérêt d’ouvrir un nouveau débat… Un bon moyen aussi de redécouvrir l’article de Lucie qui traite de la chaîne Vivre Avec et qui peut nous permettre de mieux comprendre le handicap.