Présentation de l’œuvre
Le Faune Barberini est une statue en marbre blanc qui représente un Satyre endormi. Ce dernier a été retrouvé près du Château Saint-Ange en 1625. Le pape de l’époque, Urbain VIII, issu de la famille Barberini acquis très rapidement cette œuvre particulière. Ce qui explique sa présence dans la collection privée du pape et le fait que la statue porte son nom. La présence d’une statue nue dans une position provocante et de nature non humaine dans la collection du pape est assez étrange.
Le faune Barberini a probablement été trouvé dans le fossé de la tombe d’Hadrien. Toutefois le lieu de sa découverte ne nous aide pas pour comprendre son utilité, sa présence ou même si elle faisait partie du décor du mausolée d’Hadrien. Quand la statue fut retrouvée, elle n’était pas en parfaite état, il lui manquait en effet toute la jambe droite et l’avant-bras gauche qui ont été restauré. Cette restauration récente ne permet pas d’apprécier avec exactitude la position du faune.
Au XIXe siècle le faune est acquis par le prince Ludwig Baravia avant de faire partie de la collection de la Glyptothèque de Munich. Cette statue est une copie romaine qui reprend une statue en bronze de l’époque grecque Hellénistique. Elle est datée de 200 av. J. – C. et fait une hauteur de 2,15 mètres. On ne sait pourtant pas s’il s’agit d’un original réalisé en marbre à l’époque hellénistique ou si c’est une excellente copie réalisée plus tard.
La jambe droite et l’avant-bras gauche sont des ajouts modernes. Le faune Barberini est aujourd’hui conservé à la Glyptothèque de Munich dans la salle Bachique au centre d’une salle avec des voûtes en caissons sous le numéro d’inventaire n° 218.
Description
La statue du Faune Barberini représente un personnage en marbre dans une position complexe pour l’artiste qui l’a sculpté. Cette statue est une copie d’un bronze grecque de la période Hellénistique qui représente à première vue un jeune homme allongé, endormi, montrant ses parties génitales Ce jeune homme est allongé sur une peau de bête posée sur une pierre. Sa jambe gauche est au repos et posée sur le sol, reposant légèrement sur la pierre.
La jambe droite est en action, en flexion posée sur la pierre avec un mouvement qui pousse la jambe vers le haut. Cette dernière montre toute la musculature développée de la jambe qui soutient son poid, les muscles sont en action. La peau qui est posée sur le rocher prend l’intégralité du corps du faune.
Le pied droit prend appui d’une part sur la pierre et d’autre part sur la peau qui se trouve en-dessous du faune et qui est enroulé autour de son bras gauche comme un coussin. Le bras gauche est au repos et la peau de bête revient se poser sur l’avant-bras et la main est dans le vide.
Le bras droit est fléchi en arrière et se pose derrière la tête du jeune homme. Le reste de son corps est en action, présentant une activité musculaire qui s’intensifie par le mouvement des bras. Ce mouvement est renforcé par la torsion vers la gauche du torse.
Toute la musculature du faune est saillante, présente et en action, elle montre à la fois sa force, sa virilité et son action dans sa position. La tête du jeune homme est travaillée de manière réaliste et son visage semble endormi, à demi-éveillé par l’agitation qui se lit dans son expression.
Toute la musculation du Faune est réaliste on peut même voir les plis de l’abdomen. La présence d’une mèche de cheveux sur le front rappelle qu’il s’agit un faune ou d’un satyre, et le renvoie à sa condition non-humaine. Cette impression est renforcée par la présence d’une queue sur la partie inférieure de la cuisse gauche dans le bas du dos.
La présence de cette queue et de cette mèche de cheveux sur le front nous permet d’identifier le personnage comme un faune ou un satyre qui est reconnaissable par ses oreilles et sa peau de bête.
D’où vient l’iconographie du Faune endormi et ivre ?
L’iconographie du Faune ou du Satyre est un modèle ancien qui est représenté de manière anodine en décoration. Il accompagne Dionysos de manière discrète comme une iconographie mineure considérée comme une représentation inférieure. Elle n’est pas représentée de façon monumentale comme c’est le cas dans le Faune Barberini.
Cette iconographie peut être associée à un cratère celui de Dervéni qui est un cratère cinéraire à volutes. Ce cratère en bronze a été retrouvé dans la banlieue nord de Salonique dans la tombe B est date de 320 av. J. – C. Ce qui est intéressant sur ce cratère, c’est sa décoration parfaitement exécutée sur la partie supérieure du cratère concernant l’épaule aux volutes. Parmi la profusion de décorations sculptées, il y a quatre sculptures en ronde-bosse qui sont posées sur l’épaule.
L’une des quatre sculptures en ronde-bosse est intéressante car elle représente un satyre endormi qui est sensiblement le même modèle que le Faune Barberini. La réalisation du corps de ce cratère, sa posture, son modelé a certainement inspiré et influencé la réalisation du Faune Barberini. Autour de la panse il y a également une certaine transe dionysiaque, qui appuie la présence endormie et ivre du faune.
Cette iconographique présente au cours des siècles sert donc de moyen de représentation dionysiaque, mais reste néanmoins des décorations mineures, qui se retrouvent sur les vases, les céramiques ou les décors en stuc. La réalisation d’une sculpture monumentale représentant un sujet inférieur tel que le faune Barberini est pour le moins particulier.
Pourquoi le Faune est –il lié au monde de Dionysos ?
Dans la représentation iconographique, nous pouvons voir hiérarchie précise. Il y a tout d’abord les Dieux et les demi-dieux, puis les humains et les non-humains ou les monstres. Cette dernière catégorie regroupe les satyres, les faunes, les ménades et d’autre qui sont mi- humains, mi- animaux. Ces derniers se retrouvent régulièrement dans les fêtes Dionysiaques, ils dansent, boivent du vin, font la fête et participent au culte de Dionysos.
Le monde de Dionysos était composé d’un paysage idéal rempli de Satyres et Bacchantes. Ses derniers constituaient son thiase c’est-à-dire sa « troupe festive ». La représentation statuaire de ses disciples fait partie d’une grande proportion de la statuaire hellénistique.
Très vite ces personnages sont sortis de leurs représentations mineures pour envahir l’art privé à l’époque romaine, mais également les arts décoratifs de la Renaissance. Le monde de Dionysos s’est vu ensuite agrandi par les centaures, les Nymphes, les hermaphrodites et les pans qu’on a sortis de leurs mythologies de base pour les ajouter à la thiase de Dionysos.
Malgré tout, la représentation du Faune Barberini est assez particulière car elle reprend plusieurs caractéristiques des qualités du corps humains. Effaçant par la même occasion les caractéristiques d’un faune ou d’un satyre. Ces créatures expriment à la perfection les transes qui définissent Dionysos.
Le monde de Dionysos prend une place très importante dans le monde hellénistique car il devient un dieu entre guillemet « international » qui répondait à toutes les envies des différentes classes sociales de la société.
Sa fonction première était d’être le dieu du vin, du théâtre, du rire et de la détente. Il est celui qui investit les lieux à ciel ouvert, il représente en quelque sorte l’ensemble de la société qui propose une alternative aux préoccupations de cette dernière, symbolisant ce qui rend autre.
Pourquoi la représentation monumentale d’un modèle iconographique mineur ?
L’iconographie est la représentation du faune ou du satyre en tant que tels furent longtemps réservés est confinés à la céramique et aux reliefs. Il faut attendre le début de l’époque Hellénistique pour que les artistes grecs élargissent leur sujet.
Il y a au début de cette période un tournant spirituel et esthétique qui pousse les artistes à utiliser le thème du satyre ou du faune dans des représentations monumentales et non plus seulement mineurs.
Durant ce tournant spirituel et de recherche artistique, il y a également une volonté de représenter ce que l’on appellera des scènes de genres ou des scènes quotidiennes. Ainsi il n’est pas rare pour l’époque de représenter une veille femme ivre ou un pêcheur. Ces modèles représentant ainsi la classe inférieure de la société, celle que les dieux ont punis.
Cet engouement pour la valorisation de modèle mineur va se développer durant toute l’époque Hellénistique, ce registre iconographique inspirera la sculpture de toute la période. Le Faune Barberini étant le témoin qui représente au mieux cette variante saisissante du thème du satyre endormi.
Pourquoi une posture si particulière pour un faune ?
La représentation d’un faune ou d’un satyre est souvent debout, buvant du vin, et faisant la fête pour satisfaire leur dieu Dionysos. Il reste souvent debout et éveillé pour surprendre les Arianes, les Bacchantes et les Hermaphrodites nues qui dorment. Les satyres et les pans sont souvent représentés comme des voyeurs puisqu’ils observent les créatures dionysiaques nues.
La représentation d’un faune endormi est paradoxale, c’est en quelque sorte un renversement des rôles. Le Faune Barberini quant à lui, est appuyé sur un rocher où certainement la fatigue est l’ivresse l’ont emporté.
Le sculpteur a certainement réfléchi quant à la position du faune qu’il représente dans une posture d’abandon. Son corps est représenté de manière naturaliste, il ressemble à celui d’un athlète mais son visage quant à lui a un traitement complétement différent de la tradition grecque.
La représentation de son corps est en apparence plus proche de celui d’un humain on peut le voir par les traits brutaux, sa musculature et son corps.
Cependant le faune Barberini cache en quelque sorte ses attributs dionysiaques qui sont cependant bien présents. Tout d’abord la peau de panthère étendue sur le rocher, la couronne de lierre qui est posée sur ses cheveux épais, la touche de cheveux qui se trouve sur son front, mais c’est surtout la petite queue à peine visible au bas de son dos qui confirme sa condition de faune.
La posture générale du corps qui le représente avec les cuisses écartées résulte certainement d’un étalage d’impudeur qui renvoie à quelque chose de grossier et d’agressif. Cette posture provocante renvoie également à un souci d’être surpris.
La position du faune Barberini devait certainement être différente à l’origine. Il devait sûrement avoir la jambe droite abaissée et allongée pour donner une sensation d’abandon total.
Le faune Barberini a été réalisé pour qu’on puisse le voir par rapport à un angle de vision optimal. Il a été réalisé pour que le spectateur voit en premier lieu les parties génitales du faune, puis le corps et enfin le visage de façon frontale.
Pourquoi y-a-t-il un trou derrière la sculpture du Faune ?
Dans l’ouvrage de Monsieur Lechat, il fait référence à un ouvrage de M. Bulle qui affirme que la statue ne faisait pas partie de la décoration du mausolée d’Hadrien comme on le pensait depuis le début.
La statue proviendrait plutôt des jardins impériaux certainement des jardins de Néron. Le Faune Barberini aurait eu comme fonction première celle de fontaine. Derrière la statue au même niveau que le dos se trouve un trou. Ce dernier est le témoin du passage de la conduite d’eau ménagée dans le bloc de rocher un peu au-dessous de l’aisselle gauche du faune.
La représentation d’un faune comme décoration de fontaine renvoie à sa condition de non-humain et le replace dans son environnement naturel, comme c’est le cas pour les autres œuvres dites de genres. Les sculptures de pêcheurs étaient placées près d’un point d’eau etc.
La présence du rocher renforce la volonté de replacer le faune dans son environnement naturel, il était certainement représenté comme ça dans sa version originale en bronze.
Quelle réaction l’homme antique pouvait avoir face à cette sculpture ?
Pour les personnes de l’époque la représentation monumentale d’un sujet inférieur comme celle d’un faune devait sans doute être choquante pour les spectateurs.
Cette sculpture changeait certainement la perception de l’espace que se faisait l’homme de l’époque, avec une œuvre qui a été faite avec un réalisme extrême. Toutefois ce faune rentre dans la catégorie des images d’ambiances au même titre que la vieille ivre, pouvant montrer aux visiteurs une atmosphère animée de visions de bonheur.
Le sculpteur qui a réalisé le faune Barberini a en quelque sorte remis le faune dans son espace naturel, sur un rocher. En le replaçant ainsi il réalise un lieu idyllique propre aux faunes et à Dionysos. Les spectateurs qui se trouvaient devant le faune Barberini et sa nudité devaient certainement se prendre pour l’escorte de Dionysos.
La position frontale du faune devait également solliciter le spectateur à l’observer de manière insistante. Le spectateur se retrouvant ainsi comme le satyre qui regarde et espionne.
Quels messages cette statue véhicule-t-elle ?
Il véhicule certainement le message d’une certaine déchéance humaine, qui est personnifié à travers le faune, représentant direct de cette déchéance et rattaché à Dionysos.
Dionysos étant le dieu de la fête, il renvoie donc à la déchéance et au bon vivre. Le faune quant à lui est un substitut de la condition humaine. La statue du faune est une commande réalisée par la classe sociale supérieure de la société.
Cette même classe réalise et place cette sculpture dans leur environnement pour représenter la classe sociale inférieure. Ils considèrent que ceux qui ont cette condition le méritent car ce serait une punition des dieux.
Pourquoi est-il allongé sur une peau de panthère ?
La peau d’animal renvoie à sa condition d’animal. C’est également un signe iconographique pour identifier un faune ou un satyre. Le faune Barberini a sombré sous l’effet du vin, il expose sa nudité, allongé sur une peau de bête couverte de poils. Cette dernière joue avec différentes matières du faune. En effet, il y a tout d’abord la matière de la roche sur lequel ce dernier est allongé, la peau de bête et son corps.
Tout ceci renforce le regard du spectateur, qui se fait tactile en passant de l’une à l’autre des surfaces. La peau de panthère renforce sa condition de mi- humain, mi- monstre et joue le rôle de médiateur entre la forme rocheuse et la forme lisse du corps du faune. La peau de bête étant un niveau intermédiaire qui facilite cette transition du regard entre les différentes matières.
Le Faune Barberini est-il endormi ?
A première vue le Faune Barberini semble endormi, il est allongé, ses yeux sont fermés et l’expression de son visage est agitée comme un sommeil perturbé. Cependant il ne dort pas, la position de son corps n’est pas cohérente avec le sommeil, sa jambe droite est en flexion, et son bras droit également. Lorsque l’on dort le corps est relâché et détendu.
Le faune est étendu au milieu d’un rocher, dans son milieu naturel, soit la nature, et il est certainement allongé pour se reposer sous l’effet du vin. Il ne dort pas, son visage est saisi d’une expression d’anxiété et ses yeux sont fermés, on pourrait alors penser qu’il est endormi mais son corps trahit son sommeil. La position de celui-ci montre qu’il ne dort pas mais qu’il se repose.
Le faune Barberini diffère de la représentation de l’hermaphrodite endormi qui fait référence à un érotisme hétérosexuel. Le faune Barberini, quant à lui, pour le spectateur masculin renvoie directement à un érotisme homosexuel. Cet érotisme est renforcé par sa position frontale.
Conclusion
Le faune Barberini est une sculpture monumentale qui reprend un sujet, qui, jusqu’à la période Hellénistique, était une représentation mineure. Sa position révèle la liberté et les envies de la société.
Il représente ainsi un modèle d’insouciance que peu de personnes de la société peuvent se livrer en raison de leur condition et leur place dans la société. Il renvoi également à la liberté individuelle et à la condition sociale d’une partie de la société.