Marcel Duchamp s’inscrit comme un artiste important du XXème siècle, il aborde et révolutionne l’art d’une façon différente. L’œuvre de Marcel Duchamp bouleverse radicalement l’art du XXème siècle. Il invente, vers 1910, le ready-made – une pièce que l’artiste trouve « already-made », c’est-à-dire déjà toute faite et qu’il sélectionne pour sa neutralité esthétique. Il va ouvrir la voie aux démarches avant-gardistes les plus extrémistes.
Tous les mouvements qui utilisent des objets de la vie courante, pour surprendre comme le Surréalisme, pour évoquer, critiquer, voire poétiser la société de consommation comme le Pop art et le Nouveau réalisme, lui sont redevables d’avoir transgressé les coutumes académiques. Après Duchamp, le carcan traditionnel éclate. Il est désormais possible d’utiliser n’importe quel objet, avec ou sans transformation.
L’art du XXème et du XXIème siècle, lui doivent l’initiative du renouvellement des matériaux utilisés dans l’art. Il possède déjà le goût des questions complexes d’esthétique qui aboutiront dans les années 70 à l’Art conceptuel. Duchamp est l’artiste moderne qui a le plus directement interrogé la notion d’art – il approfondira plus particulièrement celle de « quand il y a art » et ce qui « suffit à faire de l’art ». Il s’inscrit dans la lignée des artistes « intellectuels », comme Léonard de Vinci, et annonce les problématiques de Joseph Kosuth.
Connues par des collectionneurs privés et ses amis ou encore sous des noms d’empreints, ses œuvres ont été largement diffusées à partir des années 60, lorsque la plupart des ready-mades, disparus au fil de ses déménagements ou tout simplement détruits, ont été réédités. En 1964, la galerie Schwartz, à Milan, lui propose en effet une édition à 8 exemplaires de ses ready-mades. Ces huit rééditions sont considérées comme les « originaux », dès lors que les premiers avaient été perdus. Ici, il réinterroge un concept central dans l’histoire de l’art, puisque le terme d’original pour un ready-made n’a aucun sens. Duchamp le confirme lorsqu’il signe, le Porte-bouteilles, « Marcel Duchamp, Antique certifié ».
Nombreux sont donc les courants qui ont pu émerger par ses raisonnements et notamment le surréalisme, dont il va abondamment fréquenter le cercle. Ce dernier s’est formé à partir de l’esprit de révolte qui caractérise les avant-gardes européennes des années 20.
Tout comme le mouvement Dada, auquel certains ont appartenu, les artistes accompagnés de poètes voulaient dénoncés « l’arrogance rationaliste de la fin du 19e siècle mise en échec par la guerre ». Ils cherchent cependant, des valeurs positives qu’ils ne trouvent pas dans le Dadaïsme. Les Surréalistes s’en détachent pour annoncer l’existence officielle de leur propre mouvement en 1924. Cette date est la publication du Manifeste sur le Surréalisme d’André Breton. Son terrain d’essai est une expérimentation du langage exercé sans contrôle, Duchamp les précède dans ses recherches du langage de non-sens.
Cet état d’esprit s’étend rapidement aux arts plastiques, à la photographie et au cinéma. Le mouvement récolte l’adhésion d’artistes venus de toute l’Europe et des États-Unis pour s’installer à Paris, alors capitale mondiale des arts. Les artistes surréalistes mettent en œuvre la théorie de libération du désir en inventant des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve, ils s’efforcent d’augmenter le rôle de l’inconscience et l’intervention de la volonté.
Biographie de Marcel Duchamp
Il né le 28Juillet 1887 à Blainville. En 1904, il part pour Paris. En 1911, il expose avec les peintres cubistes à Paris et à Rouen. Il présente Les Joueurs d’échecs ainsi que Moulin à café En 1913, c’est le premier ready made : Roue de Bicyclette. En juin 1915 il effectue son premier voyage au Etats-Unis. Il y retrouve Picabia autour de qui de nombreux artistes et écrivains gravitent. Il entreprend son Grand Verre ou La Mariée mise à nu par ses célibataires même, qui sera en quelque sorte sa réhabilitation après le refus de Nu descendant un escalier au Salon des indépendants. Il poursuit sa sélection de ready made. En 1916, il participe à la fondation de la Société des artistes indépendants de New York. En 1917, sous le pseudonyme de R.Mutt, Marcel Duchamp expose aux Salons des Indépendants de New York une Fontaine ou Fountain, qui n’est autre qu’un urinoir renversé. En 1918, il peint son dernier tableaux Tu m’ pour se tourner exclusivement vers la sculpture. Il exécute l’œuvre L.H.O.O.Q de caractère dadaïsme en 1919, il collabore la même année aux revues dadaïstes parisiennes. En 1920, il crée son alter ego féminin Rrose Sélavy avec laquelle il change d’approche artistique. Il participe à plusieurs expositions surréalisme, en 1927.
Dix ans plus tard, au Arts Clubs de Chicago il réalise sa première exposition personnel. En 1938, il participe à la première exposition internationale du Surréalisme organisé par André Breton, il y est en tant que « générateur-arbitre ». En 1959, il publie son premier recueil d’écrits : Marchand du sel.
Il donne une conférence appelé « A propos des ready-mades » au musée d’Art Moderne de New-York, en 1961. Marcel Duchamp décède le 2 octobre 1968 à Neuilly sur Seine, à l’âge de 81ans. Une épitaphe retrouvée dans son carnet de notes est gravé sur sa tombe : « …et d’ailleurs, c’est toujours les autres qui meurent ».
Citations :
« Je crois que l’art est la seul forme d’activité par laquelle l’homme en tant que tel se manifeste comme véritable individu. Par elle seul, il peut dépasser le stade animal parce que l’art est un débouché sur des régions où ne domine ni le temps ni l’espaces. » M.Duchamp
« Le danger est toujours de plaire au public le plus immédiat, qui vous entoure, vous accueille, vous consacre enfin et vous confère succès… et le reste. Au contraire, peut-être vous faudra t-il attendre cinquante ou cent ans pour toucher votre vrai public, mais c’est celui-là seul qui m’intéresse ». M.Duchamp
« L’artiste fait quelque chose un jour, il est reconnu par l’intervention du public, l’intervention du spectateur ; il passe ainsi plus tard à la postérité. On ne peut pas supprimer cela puisqu’en somme c’est un produit à deux pôles ; il y a le pôle de celui qui fait une œuvre et le pôle de celui qui regarde. Je donne à celui qui la regarde autant d’importance qu’à celui qui la fait ». M.Duchamp
« Interroger la nature de l’art en présentant des nouvelles propositions quant à la nature de l’art » J.Kosuth
« La seule exigence de l’art s’adresse à l’art. L’art est la définition de l’Art ». J.Kosuth
« La métaphysique tautologie; la religion : tautologie, tout est tautologie sauf le café noir parce qu’il y a un contrôle des sens » M.Duchamp
« Ce sont les regardeurs qui font les tableaux » M.Duchamp
Extrait de l’entretien entre Marcel Duchamp et James Johnson Sweeney datant de 1955 :
« JJS : Selon vous donc le goût serait la répétition de toute chose déjà acceptée ?
MD : Exactement. C’est une habitude. Recommencez la même chose assez longtemps et elle devient un goût. Si vous interrompez votre production artistique après avoir créé une chose, celle-ci devient une chose en-soi et le demeure. Mais si elle se répète un certain nombre de fois, elle devient un goût.
JJS : Et le bon goût est la répétition de ce que la société approuve et le mauvais goût la même répétition de ce qu’elle n’approuve pas. C’est bien là ce que vous voulez dire ?
MD : Oui, que le goût soit bon ou mauvais, cela n’a aucune importance, car il est toujours bon pour les uns et mauvais pour les autres. Peu importe la qualité, c’est toujours du goût.
JJS : Comment donc avez-vous pu échapper au bon et au mauvais goût dans votre expression personnelle ?
MD : Par l’emploi des techniques mécaniques. Un dessin mécanique ne sous-entend aucun goût.
JJS : Parce qu’il est divorcé de l’expression picturale conventionnelle ?
MD : C’est du moins ce que je pensais à l’époque et ce que je continue de penser aujourd’hui.