Quand on est une femme dans une rédaction (comme ailleurs ) , on est parfois confrontée à des remarques sexistes , on ne pense pas toujours à en parler et on ne sait pas toujours comment réagir . Pour inciter les femmes à ne plus se taire face à ces remarques , Anais Lecoq , 22 ans , a donc lancé une page <<Paye ton journal>> , qui a connu rapidement son petit succès .Interview .
1 Bonjour . Alors j’aimerais savoir qui vous êtes et comment vous est venue l’idée de lancer cette page ?
Je m’appelle Anaïs Lecoq, j’ai 22ans et je suis journaliste au journal L’Union à Reims. L’idée me trottait dans la tête depuis un moment car je relevais déjà plein d’anecdotes personnelles sur mes comptes Twitter et Facebook . J’ai aussi fait mon mémoire de fin d’études sur le sexisme dans la presse donc j’avais fait pas mal de recherches et recueilli pas mal de témoignages à ce moment là. Et quand Anais Bourdet, la créatrice de Paye ta Schnek (en 2012) a publié un message pour inciter les gens à faire des initiatives similaires , je me suis dit que j’allais me lancer.
Quand a t-elle été lancée ?
La page a été lancée le 2 janvier .
Quels sont les témoignages les plus marquants que vous ayez reçu ?
Chaque témoignage est terrible en soi. C’est sûr que certains me marquent parfois plus que d’autres. Il y a des choses très violentes : un journaliste qui mime une fellation sur une collègue (agression)…des femmes qui se voient refuser des postes car elles sont des femmes ou car elles sont enceintes, ce qui est totalement illégal. Un rédac ‘chef qui dit à sa journaliste <<Je vous ai embauché, vous étiez Rihanna aujourd’hui, on dirait une bouffeuse de chips>> alors qu’elle était enceinte…C’est honteux!
Y a t-il des secteurs du journalisme plus touchés que d’autres ?
Je dirais que non . Chaque secteur a peut-être ses spécificités : la presse écrite tout comme la radio ou la télé sont touchées. Après, on remarque énormément de problématiques du côté de la politique et du sport, sujets où peu de femmes ont leur place car on ne croit pas en leurs capacités. Mais je n’irai pas jusqu’à faire un classement de chaque secteur et de dire : « celui ci est plus sexiste que celui là » , non ,ils le sont tous.
Vous avez donc créée une page , qui a suscité beaucoup d’intérêt. Prévoyez vous d’aller plus loin dans votre engagement à lutter contre les discriminations ?
On m’a demandé si je comptais étendre la page à d’autres discriminations (homophobie, racisme). Ma démarche est contre le sexisme en premier lieu. Evidemment il y a du racisme et de l’homophobie dans les médias , énormément . Mais je ne sais pas si je suis la plus apte à en parler , étant blanche et hétéro. Ce serait mieux , peut-être , que des concernés s’occupent de projets du genre. Bref, j’y réfléchis encore ..Je sais pas trop dans quelles directions va aller la page pour l’instant.
Que recommanderiez-vous à une journaliste pour contrer ces préjugés ?
Ce n’est pas évident de donner des conseils par rapport à ça car chacun à sa façon de réagir. Personnellement , j’ai tendance à ne rien dire . J’ai pas envie de « rire » pour entrer dans le moule et faire plaisir à tout le monde . Je n’ai pas non plus envie de m’énerver car je sais que si je commence à m’énerver , ça va partir en vrille ( d’autant plus que souvent , les remarques et blagues sexistes sont faites sans animosité, ce qui les rend plus insidieuses. Du coup, si on s’énerve , c’est nous qui passons pour les hystériques ) Parfois je pense que la non réaction est peut-être le plus frustrant pour la personne qui fait la remarque. Mais comme je le dis ,c’est moi qui réagit ainsi.
Où commence pour vous la discrimination ?
Où commence la discrimination, c’est pas évident à définir . Chacun va avoir une sensibilité différente et on ne ne va pas forcément se sentir offensé là où quelqu’un d’autre le serait. Je pense que c’est « au cas par cas ». A partir du moment où une personne se sent attaquée et vit mal la remarque qui lui a été faite , ce n’est pas normal.