LE LOBBYING selon Gilles LAMARQUE

LE LOBBYING selon Gilles LAMARQUE

Dans toute entité sociale, la question des intérêts reste le principal enjeu autour duquel s’entretient un ensemble de personnes physiques ou morales qui, avec des méthodes d’actions plus ou moins différentes revendiquent de nouveaux profits. Avant la naissance des partis politiques au 19ème siècle, les groupes de pression s’étaient déjà manifestés dans tous les régimes. La trajectoire de ces parties connaît une grande évolution qui reste perceptible de l’Europe médiéval, où les systèmes politiques accordaient plus d’importance à la communauté qu’à l’individu lui-même, à l’époque actuelle. Suivant le contexte, les groupes de pressions s’accommode au progrès social, économique et scientifique.

Les groupes de pression ou lobbies connaissent jusqu’aujourd’hui un traitement moins important dans leur rôle d’acteurs politiques. Qu’il s’agisse du rôle des fédérations agricoles françaises dans la formulation de la politique agricole européenne, du croisement des intérêts pour l’imposition d’une politique de sécurité routière, le lobbying est devenu à travers le monde une stratégie courante d’intervention, pour les entreprises et les organisations non gouvernementales, dans la vie publique.

Cette pratique s’est graduellement instaurée comme un outil incontournable pour les différentes structures (Les écologistes, les associations de consommateurs, les syndicats, les entreprises commerciales…) pour imposer une norme plus favorable.

Cependant, le lobbying se développe en France avec les auteurs de sciences sociales qui s’intéressent à ce mode d’action et se limitent à l’utilisation du terme ‘’groupe d’action’’. En 1963, dans le « que sais-je », Jacques-A. Bosso, consacre une étude aux groupes de pressions et défend la méconnaissance du lobbying : « en Europe il n’existe rien de comparable à l’institution du lobbysme, pas de bureaux spécialisés dans la revendication et la défense d’intérêts auprès du pouvoir législatif ». Dans les années 1980, Bernard Le Grelle (journaliste reconverti dans les relations publiques) avec son livre ‘’profession lobbyman’’ s’affirme comme l’un des précurseurs du lobbying en France.

Dans l’étude présente, la conception de Gilles Lamarque défendue dans son livre « le Lobbying » paru dans le « que sais-je » en janvier 1994 définit le lobbying comme « la mise en œuvre d’une revendication auprès des pouvoirs publics tendant à influencer directement ou indirectement, la prise de décision ».

La question de la traduction du concept anglais s’est posé en France et fut confronté à un contexte plus ou moins différent de son champs de production comme le mentionne Pierre Bourdieu dans le cadre de la circulation internationale des idéologies « le texte n’emporte pas son champs de production ». Comment est apparu le lobbying en France et quelles interprétations a connu ce concept ?

La compréhension de cette problématique pourrait se faire à travers une étude du champ de reproduction du terme ‘’lobbying’’ qui englobe le profil de l’importateur mais aussi son interprétation dans le champ académique.

Présentation du livre, contexte de publication et position institutionnelle et intellectuelle de l’auteur.

En effet, diplômé de Sciences-Po et de l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), Directeur général d’Anthenor Public Affairs depuis septembre 2003, Gilles Lamarque a débuté sa carrière au Mouvement des Entreprises de France (MEDEF) où il était en charge  des relations avec les pouvoirs publics locaux et du suivi de la décentralisation. En 1998, ce mouvement est créé pour défendre les intérêts des responsables d’entreprises auprès de l’État et des organisations syndicales, en remplacement du conseil national du patronat français (CNPF).

Il est ensuite devenu responsable des affaires européennes chez Publicis, une agence de publicité créée dans l’entre-deux-guerres par Marcel Bleustein, un jeune autodidacte âgé de 20 ans. Cette agence fut, en 1929, la première à utiliser la radio comme moyen de publicité. Publicis s’affirme graduellement dans la publicité après la seconde guerre mondiale.

Gille Lamarque, riche à la fois d’une expérience dans le domaine syndical et de la communication, se spécialise dans la consultation et devient conseiller pour plusieurs entreprises et organisations dans leur réflexion institutionnelle avant d’intégrer le groupe Renault en tant que responsable des affaires publiques.

Les bouleversements intervenus en Europe et dans le monde au lendemain de la deuxième grande guerre ont impulsé la mise en place d’un nouvel ordre mondial. L’industrialisation de l’Europe, l’arrivée en maturité des régimes représentatifs autant que le développement du cadre représentatif et de l’essor de la technocratie ont caractérisé l’après-guerre et réaffirmé la nécessité de réorganiser les régions autour d’un idéal de rassemblement. Ceci se traduira plus tard en Europe par la ratification de l’acte unique de l’UE en 1986 et la disparition des frontières douanières le 1er janvier 1993, l’impact du traité de Maastricht et les nouvelles perspectives européennes.

Ancien secrétaire général de l’Association Française des Conseils en Lobbying (AFCL), Gilles Lamarque écrit en 1994 un ouvrage portant sur le Lobbying qui paraitra dans la collection Que-sais-je ?

Dans son ouvrage, l’auteur aborde la question en cinq (5) points clés :

  1. Les techniques du lobbying : Celles-ci déterminent les composantes de l’action d’influence qui est équitablement répandue entre le doit, l’économie, la diplomatie, la politique et la communication.
  2. Les acteurs du lobbying : qui met en relation trois éléments : un objet de revendication, une autorité publique politique compétente pour satisfaire la requête et un mouvement collectif (réseaux d’anciens élèves, les syndicats des salariés et de fonctionnaires, les organisations professionnelles…)
  3. L’administration et le lobbying : le rapport entretenu par l’administration et les lobbies repose sur une perception négative basée sur la défiance. Toutefois, des instances de consultation sont créée pour permettre aux lobbies d’exister sans réelle influence (le commissariat au plan, créé en 1946 mêlent les représentants de l’administration aux représentants des organisations de défense d’intérêts).
  4. Le pouvoir politique et les lobbies : les lobbies se rapprochent généralement du pouvoir législatif. Ils misent sur la capacité du parlement. Le profil de l’élu est surestimé puisqu’il représente une grande partie de la population.
  5. Le lobbying communautaire : Étroitement liés à la construction européenne, les lobbies participent à l’élaboration des politiques de l’Union européenne à travers la relation qu’ils entretiennent avec les comités consultatifs sur plusieurs dossiers notamment celui de l’immigration

Gilles Lamarque est chargé de cours à l’École supérieure internationale d’art et de gestion et à l’Institut d’études techniques et historiques.

Synthèse des différents comptes rendus trouvés au cours de la recherche

La question du lobbying suscite un débat large qui s’est invité au niveau des médias. Elle suscite un intérêt soutenu et se présente comme une innovation des formes de revendication. Elle s’affirme sous la forme collective d’une revendication catégorielle. Elle est technique et pluridisciplinaires.

Cependant, l’ouvrage de Gilles Lamarque n’a pas été discuté directement par d’autres auteurs. Toutefois, on relève des oppositions faites par certains auteurs et rapportées par Jacques A. Basso dans « les groupes de pression » qui analyse la question du lobbying sous un angle différent.

Professeur des Universités à la Faculté de droit et des Sciences économiques de Nice, Jacques A. Basso est un ancien professeur titulaire à l’Institut d’études politiques de Paris, chargé d’enseignement à l’Institut des hautes études internationales. Pour lui, la définition du lobbying se heurte à l‘interprétation donné aux groupes de pression’’ et à la signification de ‘’l’intérêt général’’. La conception de Bernard Le Grelle soutenue et rapporté par Gilles Lamarque et celle défendue dans la thèse de Truman, R. Dahl et Bentley repose sur une opposition portant sur la distinction entre intérêt général et intérêt catégoriel ou intérêt public (bien commun) et intérêt corporatiste. La démarche des groupes de pression est considérée en Europe comme une déviation du fonctionnement de l’État et du système politique alors qu’aux Etats-Unis, les groupes d’intérêts trouve une acception politique, sociale et juridique institutionnelle sur laquelle se fonde sa reconnaissance. La culture anglo-saxonne présente l’intérêt général comme un objet porté par la somme des intérêts catégoriels. Cette conception est largement réfutée par Gilles Lamarque et ses pairs qui donnent à l’État la compétence de déterminer ce qui est l’intérêt général.

Par ailleurs, malgré l’intérêt que suscite ce sujet, l’inexistence de texte discutant la conception de Gilles Lamarque du Lobbying telle que mentionnée dans son ouvrage constitue un véritable obstacle. Néanmoins, la principale opposition relevée s’inscrit dans l’appréhension de la diversité de classes et d’intérêts et des rapports avec les institutions politiques. Elle renvoie également, à la question de la pluralité et de la démocratie. Celle-ci serait d’ailleurs menacée à cause de cette pluralité non maitrisée en termes de transparence et de représentativité.

Ousmane BALDE, Consultant en communication et Analyste politique

Ousmane Balde
Ousmane Balde
Analyste politique et consultant en communication

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