A la rencontre de la surdité

J’ai rencontré Rita, 22 ans, qui passe le diplôme de Technicien de l’Intervention Sociale et Familiale (TISF), un diplôme visant à la protection de l’enfance et au soutien à la parentalité. « Etudiante à l’IRTS de Poitiers, nous nous sommes retrouvés en projet de début d’année à devoir, en groupe, réaliser un court métrage où nous présentions chaque formation que propose celle-ci. C’est ainsi que j’ai rencontré Régis, un jeune homme sourd. Nous sommes à Poitiers l’une ville les plus adaptée à la surdité (beaucoup de structures et d’événements adaptés) et c’est ce qui a amené Régis à effectuer sa formation dans cette ville.

Cette rencontre m’a fascinée, et à l’issue de ce projet, nous sommes devenus amis. C’est pourquoi j’ai décidé d’apprendre la Langue des Signes Française (LSF) seule, avec la possibilité de l’exercer chaque jour avec lui. Cela fait 4 semaines que j’apprends la langue, et j’utilise le site internet Elix, qui est un dictionnaire Français – LSF »
Pendant cette année, les étudiants en TISF doivent réaliser un projet en groupe, le sujet du groupe de Rita s’est tout naturellement basé sur la surdité. Ils souhaitent mélanger le public sourd et malentendant au public entendant, autour d’événements culturels et artistiques. En collaboration avec Le Locale (centre socio-culturel) ; lui-même en lien direct avec l’école maternelle et primaire Paul Blet (ayant des classes adaptées aux sourds), ils espèrent réussir à tenir leur projet avant juin, date butoir. Le but est de sensibiliser les entendants, aussi bien enfants que parents ; et ainsi d’ouvrir les portes de la langue des signes à tout ceux qui le désirent, ce qui permettrait aux entendants et sourds de partager des activités communes, et alors que ces deux communautés ne fassent plus qu’une. Au programme est prévu des comptines (signées), des exercices théâtraux, et même de la musique !

« On devrait considérer la surdité comme une autre langue. »

En effet, la musique peut paraitre loufoque, et pourtant ! « Une des premières conversations que j’ai eu avec Régis était à propos de la musique. Son écoute est différente bien sur, il l’écoute très forte et ressent les vibrations. Comme Beethoven l’était, certains sont des musiciens hors pair, et d’autres ont un sens du rythme inégalable. Il ne faut pas rester bloqué sur des idées reçues.

Rita n’envisage pas la surdité comme un handicap puisque Régis a une vie tout à fait normale. « Il faut évidemment s’adapter à des détails : son réveil est un oreiller vibrant, sa sonnette de maison est une sonnette lumineuse, et c’est également le cas pour son alarme incendie. Et une question que je m’étais toujours posée, il a pu y répondre : lorsqu’il pense, il pense en signes. Et il est d’ailleurs difficile de concevoir pour lui que nous pensions avec des paroles. Sinon, il a le permis, il est très drôle, il a beaucoup d’amis et une vie sociale très animée !

« Je veux briser la barrière entre les deux mondes »

Bien sur, la conversation n’est pas toujours facile : il y a des mots qu’ils ne connaissent pas, et la structure des phrases est différente en signe (action à la fin), ce qui fait que je dois parfois décrypter ses messages. Pour réussir à comprendre une conversation d’entendant, les sourds utilisent ava, application qui retranscrit les paroles orales à l’écrit. Je trouve dommage que l’on enseigne à l’école l’anglais, l’espagnol, l’italien, l’allemand et pas le LSF, qui est la deuxième langue de notre pays.

J’ai vécu une situation très enrichissante : Régis m’a invité chez lui, où il avait invité tous ses amis sourds, j’étais la seule entendante. Mais dès qu’ils ont su que je voulais parler avec eux, ils ont tout fait pour m’intégrer. Comme j’avais encore très peu de vocabulaire, ils prenaient toute la peine de me comprendre, par mime ou en essayant de lire sur les lèvres (ils ne savent pas tous le faire). Humainement parlant, c’est une expérience que je recommande à tout les entendants ouverts d’esprit, si vous vous retrouvez bien sur avec des sourds ouverts d’esprit. Comme chez les entendants, il y a des sourds qui cherchent l’intégration, et des sourds qui stigmatisent les entendants. Cette expérience m’a permise de me remettre en question et de prendre conscience de certaines injustices. La surdité n’empêche rien du point de vue social, il faut simplement accepter la différence.

Karen
Karen
Etudiante en licence de théâtre et cinéma. Passionnée de théâtre, curieuse de découvrir le monde, amatrice de danse, de peinture, et de cinéma.

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