Emmaüs : la bonne astuce !

Cette semaine, après le GAFIB, nous allons nous intéresser à un centre de dépôt/vente solidaire ouvert le mercredi et le samedi de 10h à 17h. Basé à Nanterre, le local acheté par Emmaüs permet à une population moins favorisée de travailler et dans une moindre mesure, de trouver et « chiner » des objets du quotidien (allant de la simple vaisselle aux meubles XXL). Un bénévole a gentiment accepté de répondre à nos questions, de nous expliquer pourquoi Emmaüs n’est pas une association comme les autres et le rôle important qu’elle joue contre la misère et l’exclusion.

« En mettant ensemble des personnes exclues et des objets qu’une société de sur-consommation génère comme rejets, nous arrivons à  développer une économie parallèle »

Emmaüs

1/ Emmaüs fait partie des organisations caritatives assez connu en France, mais paradoxalement on connaît mal ses actions. A quoi se résume-t-elle ? Quel est l’intérêt premier d’une telle démarche ?

La première mission d’Emmaüs est d’accueillir les gens sans aucune distinction (par exemple des sortants de prison ainsi que des immigrants sans-papiers) et d’essayer de les remettre dans le circuit du travail. On les appelle alors les compagnons. Nous, on n’est pas là pour les juger ou connaître leur passé, on leur offre une chambre et l’individu fait son petit bonhomme de chemin. Donc, s’il a envie de repartir, il part ! Il n’y a aucune obligation et aucun contrat passé entre le compagnon et Emmaüs. D’autre part, il me semble important de préciser que nous ne touchons rien de l’Etat, nous sommes indépendants.

2/ Tous les gens qui travaillent ici sont salariés et bénévoles, quel est le pourcentage de l’un et de l’autre ?

A Emmaüs, il y a trois catégories de personnes. Les bénévoles que l’on appelle « amis », les salariés et les compagnons. Ces derniers sont rémunérés 55 euros la semaine par la communauté, mais il faut souligner qu’ils sont nourris et logés. Quant aux salariés, c’est logiquement l’état qui les paye puisqu’ils sont dans un système de réinsertion. Nous sommes une quarantaine en tout dont sept compagnons et cinq bénévoles.

3/ Nous sommes dans un centre de dépôt : comment les produits arrivent-ils ? Existe-t-il d’autres sortes d’actions, de magasins solidaires ?

C’est un peu plus complexe que ça, car comme je vous l’expliquais, « la boutique » de Nanterre est d’abord un chantier de travail (favoriser l’insertion sociale et économique des compagnons par le biais du travail, ndlr) avant d’être un centre de dépôt.  Notre maison mère qui se trouve à Bougival est une communauté (il y en a à peu près 115 en France qui sont complètement indépendantes). On en a une deuxième à Chatou. C’est Bougival qui chaperonne le tout. Nous sommes là pour réinsérer des gens, leur donner un emploi. Ce dernier est particulier puisqu’il est tourné vers la solidarité, mais c’est justement l’idée. Montrer que lorsqu’on travaille, on aide forcément quelqu’un ou à faire avancer les choses, on est toujours utile.

Les produits nous proviennent en priorité des dons. Je précise qu’il nous arrive de faire de l’alimentaire parce que nous avons un partenariat avec Auchan, mais on partage entre les salariés. Les « clients » n’en sont pas bénéficiaires. Sinon, on a également des gens qui nous appellent afin de prendre un rendez-vous pour se faire enlever des gros meubles. Nous avons deux camions qui circulent tous les jours sur le secteur de Nanterre. Cela comprend Puteaux, Rueil, Suresnes, Courbevoie, Colombes… A Bougival, ils ont 7 camions ! Ils couvrent une large partie des Yvelines et s’occupent même des 16ème et 8ème arrondissements de Paris.

Au sujet de Paris justement et pour répondre à votre question sur les différentes actions menées par Emmaüs, nous avons également des friperies qui fonctionnent sur ce même concept, mais uniquement pour le textile. D’autre part, sur le secteur de Nanterre, nous faisons aussi des maraudes (au même titre que le SAMU Social ou la Croix-Rouge) du 15 octobre jusqu’à fin mars. Une activité seulement ouverte aux bénévoles.

4/ Sur le site, il y a marqué que l’enlèvement chez un particulier est gratuit : est-ce bien la réalité ? Idem pour la livraison ?

Sur l’ensemble du groupe Emmaüs de France, les enlèvements sont en effet gratuits. Par contre, pour les livraisons, on demande une petite participation à hauteur de cinq euros. Après, c’est « sectorisé » : une personne habitant à deux kilomètres ne payera pas le même tarif qu’une autre à 10 kilomètres.

5/ Comment s’organise un dépôt comme le vôtre ? De quelle façon les pris sont étiquetés sur chaque objet ?

Pour l’espace vente, c’est ouvert, comme vous l’avez souligné, le mercredi et le samedi de 10h à 17h. Pour les dons, c’est tous les jours ! Les personnes qui travaillent ici sont aussi quotidiennement présents puisqu’il y a de la mise en place, du rangement et du nettoyage à faire. Il ne faut pas non plus oublier le tri qui reste l’une de nos principales activités. On recycle tous les objets et ceux trop abimés, on essaye de les réparer. En ce qui concerne les objets dont on ne trouve pas l’utilité, on va les redistribuer dans un autre centre ou une association diverse. On évite le gaspillage au maximum.

Normalement, il y a des prix partout (lorsque ce n’est pas le cas, c’est que l’objet avoisine les un ou deux euros). En règle générale, on essaye (surtout sur les meubles et l’électroménager) de mettre 1/3 du prix du neuf. En réalité, c’est même souvent en dessous !

6/ Les personnes qui viennent profiter de ces coûts à rabais sont-ils toujours les mêmes ? Y a-t-il régulièrement de nouveaux acheteurs ? Enfin, quand est-ce que les clients payent ?

Il existe deux types de « clients » à bien distinguer. Pour commencer, nous avons les individus qui viennent avec une lettre de l’assistante sociale qui déclare ce dont ils ont besoin. De notre côté, nous réunissons une commission qui va déterminer et juger ce que l’on va pouvoir donner (nous pouvons refuser). Cette catégorie de personnes ne va rien payer.

Et puis, il y a tous les autres. Les gens qui viennent de leur plein gré pour faire des bonnes affaires. Ils déambulent entre chaque stand (bric et broc, l’électroménager, vêtements, jeux, meubles…) et prennent ce qu’ils désirent. Un comptoir avec deux personnes est à leur disposition sur chaque rayon. Ils doivent s’y rendre et on leur remet alors un papier avec le montant (en euros) de ce qu’ils devront payer à la caisse avant de sortir du magasin. De sorte que tous les achats sont réglés en même temps. Une fois que c’est fait, la caissière va tamponner la fiche et les personnes n’auront plus qu’à aller récupérer leur sac dans les différents stands. Du coup, vous l’aurez compris, l’argent ne circule pas. La caissière est seule à y avoir accès et c’est la seule qui ne change jamais de poste ! Sinon, pour les autres, il n’y a pas de poste fixe. On est mobile et polyvalent. Si on a besoin de nous quelque part, on y va.

Nous avons affaire à des connaisseurs, notre clientèle est fidèle et ne change pas tellement. D’ailleurs, c’est pareil du côté des bénévoles ! Ca fait trois ans que je suis là et ce sont toujours les mêmes têtes qui m’accompagnent. En revanche, ça tourne plus pour les salariés qui n’ont le droit qu’à des contrats de deux ans.

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