« Frapuccino » la Webserie qui frappe, interview avec le réalisateur David Trujillo.

« Cyril a le besoin compulsif de frapper quelqu’un au hasard, trois fois par jour et à heure fixe.
Paolo est un dragueur invétéré à l’humour lourdingue.
Amélie est une bourgeoise dépressive au coeur brisé.

Trois personnages terriblement déjantés. Mettez-les dans une voiture pour un road trip. Servez frappé! »

D’où vient l’idée du projet Frapuccino ?

L’idée est venue à Mathilde en notant différentes anecdotes sur son groupe d’amis (Mathilde Bourbin est scénariste de la série). La plupart sont comédiens. Le postulat de départ vient d’une situation réelle : ils devaient transporter une malle pour les besoins d’une pièce de théâtre. Ils se sont retrouvés à trimballer cet accessoire partout pour les répétitions : dans le métro, dans la rue. C’est un objet particulièrement encombrant, ce qui les a mis dans des situations parfois rocambolesques. Nous avons utilisé cette même malle sur le tournage, et je dois avouer qu’elle fut l’une des choses les plus difficiles à gérer. Après avoir tourné les premiers plans, on s’est demandé si elle allait finalement pouvoir rentrer dans la voiture de Paolo. C’est le genre de détail qu’on oubli au moment de la préparation. On aurait pu perdre une journée de tournage si la malle ne logeait pas dans le coffre, et ça s’est joué à deux millimètres (rires).

Ce qui est intéressant dans l’approche de Mathilde, c’est que les rôles sont écrits sur mesure. Elle avait dés le départ en tête Jules Poucet et Pierre-Emmanuel Parlato pour jouer Cyril et Paolo. Et c’est en s’inspirant de leurs personnalités –toutes mesures gardées évidemment- qu’elle a développé le projet Frapuccino. Après, on a une série chorale avec un road trip, donc pleins de personnages et de lieux différents. C’est aussi ce qui rend le projet très amusant.

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Comment s’est passée la collaboration entre le Collectif Attention Fragile et l’association Esthésie ?

Le Collectif Attention Fragile s’est monté juste avant le début de la série. Comme pour Esthésie, il a pour objectif l’encadrement de projets culturels et artistiques. L’association Esthésie a collaboré avec le Collectif sur un apport en industrie et en compétences (contacts, techniques, conseils, une partie de l’équipement, assurances). Esthésie a coproduit les quatre premiers épisodes de la série. Les épisodes suivants ont été entièrement produits par le Collectif Attention Fragile, et la collaboration entre les deux structures s’est faite alors sur certaines compétences (mise en scène et créations graphiques). Dans tous les cas, il faut prendre en compte que les deux associations sont des cadres juridiques, et que l’important reste le projet. L’avantage d’avoir deux structures est la rencontre des compétences et des moyens, mais aussi un déploiement sur plusieurs territoires (les associations sont basées à Paris et Sceaux). On ouvre ainsi les possibilités de partenariats pour le développement de la série.

 

Comment s’est agencé le travail de réalisation et d’écriture ?

Mathilde m’a mis dans la boucle dés le début du projet, au moment où elle était encore dans le processus d’écriture. Elle avait aimé mon travail en collaborant comme comédienne sur Coma et Le Rêve du Stalker. Elle a souhaité que je sois sur la réalisation de Frapuccino. Le fait de me mettre dans la boucle dés le départ, m’a permis de suivre le processus d’écriture et de m’imprégner de son univers. D’habitude, je réalise mes scénarios, avec une vision très claire : le rendu visuel du film, sa structure narrative, son rythme. Là, il fallait que j’intègre la vision de Mathilde, ses personnages, son ambiance. On a beaucoup discuté de la « ligne éditoriale », de la façon dont le film devait se déployer visuellement. Mathilde avait prévu que le projet soit un long-métrage. Mais dans le processus de production, il nous a semblé qu’il serait finalement difficile de tourner l’ensemble du film sur une seule session et surtout, que sa diffusion serait ensuite rendu très complexe (pas de distributeurs à ce stade). Le projet avait un tout petit budget, avec une équipe entièrement bénévole. Nous avons donc fait le choix de monter le projet comme une websérie. Mathilde a alors saucissonner le scénario en 12 parties égales de 7 minutes, en remaniant l’écriture pour accentuer les clifs à chaque fin d’épisode. Nous avons ensuite tourné la série sur 3 périodes. Le rythme de préparation étant assez soutenu, il m’a semblait intéressant de confier à Paul-André Robin (chef opérateur sur les épisodes 1 à 4 et co-cadreur sur les épisodes suivants), la réalisation de trois épisodes sur les 12, afin de gagner un peu de temps.

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Combien de temps a pris le tournage ?

Le tournage s’est fait sur 3 périodes, cumulant environ quatre semaines au total. Une première période sur laquelle nous avons tourné les 4 premiers épisodes, puis une seconde période pour les épisodes suivants. Enfin, une 3ème période très courte pour les deux/trois scènes qui restaient à boucler. Nous profitions des vacances pour tourner, ce qui fait qu’entre les deux grandes étapes (1ère période et 2ème période), il s’est écoulé plus d’un an. Imaginez les possibles problèmes de raccords : des accessoires perdus ou abîmés, comme le sac de Cyril ou le tee-shirt de Paolo. Du coup, on a remplacé les tee-shirts (rires). Le côté road trip de la série, ainsi que le nombre important de personnages secondaires, ont rendu le tournage assez complexe. Les déplacements entres les décors nous ont fait perdre beaucoup de temps. En moyenne, on a tourné trois jours par épisode. Mais il faut compter les déplacements d’un endroit à un autre – sans parler des difficultés techniques pour les intérieurs voitures -. Au final, le rythme du tournage était soutenu, parce que ça nous laissait que peu de temps pour tout mettre en boîte : les imprévus, les absences –parfois- d’autorisations de tournage, les intempéries, le manque de budget, les passants (nous ne pouvions pas toujours bloquer les accès), etc. C’était autant de paramètres à gérer sur le plateau. Toute l’équipe étant bénévole et le projet ayant peu de budget, il a fallu aussi jongler entre les disponibilités de chacun et des lieux. Là-dessus, Mathilde a fait un travail d’organisation incroyable, et Antoine Osorio (assistant réalisateur) a été extrêmement efficace sur l’anticipation des besoins et l’organisation au jour le jour, tout comme Solène Boulanger qui assistait Paul-André. Toute l’équipe a vraiment été excellente. Il fallait prendre en compte les impératifs de chacun : certains comédiens jouaient au théâtre ou avait d’autres engagements. Sur une semaine entière, Mathilde a par exemple tourné avec nous la journée, tout en enchainant le soir au théâtre. C’était un rythme difficile mais passionnant. On a eu beaucoup de coup de main aussi, je pense au responsable d’Ada qui a fini par nous prêter la voiture des gangsters (ça nous a fait économiser la location), ou aux gérants et employés de l’hôtel Colbert à Sceaux, qui ont été adorables. On a mis un gros bordel dans l’hôtel pendant une semaine, et les gars étaient contents de nous accueillir ! C’est dingue (rires).

 

L’organisation du casting ?

Sur le projet, c’est Mathilde qui a géré une grosse partie du casting. La distribution des rôles importants s’est faite en fonction de ses amis, ses connaissances, ses rencontres, au gré des projets de films ou théâtre. C’était d’abord une question d’affinité, les rôles les plus importants étant écrits pour des personnes qu’elle connaît bien. Pour les personnages secondaires, c’est plus nuancé. On en a parfois discuté ensemble, et les choix se sont fait en concertation entre Mathilde, Paul-André et moi.

 

L’organisation de l’ensemble ?

Ca a été assez long. Entre la préparation, le tournage sur les périodes de vacances, donc avec des espacements relativement importants, et la post-production qui a demandé beaucoup de temps, la mise en place du projet s’est étalée sur environs 3 ans (je n’inclus pas le travail d’écriture). Il faut prendre en compte que tout le monde est bénévole, et que le projet se fait sur le temps libre. Pour la post-production, les 4 premiers épisodes ont été montés par RafiKi avant la seconde période de tournage. Les 8 épisodes suivants ont été montés par Bruno Béquet, qui a également assuré la direction de post-production sur l’ensemble de la série. Il a fait un travail incroyable et super efficace sur toute la post-production. Il a finalisé la série avec l’intervention de Sébastien Corne pour les effets visuels, plaques d’immatriculations, coups de feu, génériques, etc. C’était très excitant de voir l’ensemble prendre forme. Enfin, le mixage son et le sound-design ont été gérés par Marine Viaud et Adrien Sauret qui ont super bien bossé. Ils ont été à l’écoute (sic) et hyper efficaces. Heureusement car ils n’étaient pas à côté (ils ont travaillé sur le projet depuis le Québec). On a vraiment eu une super équipe sur Frapuccino !

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Comment vous avez trouvé le fond pour le projet ?

Il faut savoir que le budget de la série a été extrêmement faible. Il s’agit en grande partie d’apports financiers du Collectif Attention Fragile sur la quasi-totalité du projet. Esthésie a complété le budget sur la moitié des 4 premiers épisodes. Au final, la série a couté en moyenne 1 000 euros/épisode, ce qui est vraiment très peu (une série développée dans un processus de production « normale » aurait coûté de 60 à 100 fois plus chère). L’apport financier a servi a payer la location de l’équipement supplémentaire (une partie a été prêtée), les déplacements et la régie pour l’équipe, le maquillage, la location de certains lieux de tournage. Le budget a été cumulé sur des demandes de subventions antérieures et des apports personnels. Le partenariat avec OuiFm est un partenariat purement médiatique. L’idée était d’avoir une com’ chaque semaine sur le réseau social et le live de la radio.

Le bénévolat sur le projet n’a pas toujours été facile à gérer, puisqu’il fallait prendre en compte les emplois du temps de chacun. Par ailleurs, le budget serré a aussi été –toute mesure gardée- une source de frustration, puisqu’il m’a obligé à évacuer des idées de plans trop complexes, ou à tailler parfois dans certaines séquences. J’ai du adapter le découpage en fonction de certains lieux que je découvrais parfois le jour même. Ce n’est pas un problème d’organisation, mais de budget. Nous n’avions pas les fonds pour louer les lieux qu’on souhaitait. On était donc très dépendant du bon vouloir de nos interlocuteurs. Il a fallu faire beaucoup de concessions. Ce qu’on ne paie pas avec des pièces sonnantes et trébuchantes, on le paie avec du temps ou des concessions (rires). Mais en même temps, l’expérience a été incroyable, parce qu’elle nous a poussé à être créatif à tous les niveaux, à trouver des solutions et à s’adapter constamment. A faire en sorte que ça fonctionne, malgré toutes les contraintes. C’était casse-gueule, mais cette complexité a été très enrichissante.

 

Quelles sont les particularités de votre série Frapuccino ?

Je dirais qu’elle est surprenante, décalée. C’est ce que je trouve amusant dans la série. J’aime aussi l’idée qu’elle se consolide dans le temps, avec une montée en puissance au fur et à mesure des épisodes. La rencontre entre les deux personnages est difficile au début, et cette difficulté est retranscrite par un montage décalé : on ressent comme une gêne au moment de leur premier échange. Puis Paolo et Cyril apprennent à se connaître, comme on apprend à les connaître. Ils s’installent. C’est un bon équilibre entre les deux. Le personnage d’Amélie vient sceller les liens de cet étrange trio en faisant une entrée fracassante. Elle amorce en même temps et de façon diluée, une inversion dans le rapport au monde de ses deux acolytes: c’est comme si Cyril et Paolo s’imprégnaient l’un de l’autre. Malgré leur tare, on finit par s’attacher à ses trois personnages déjantés. Avec le côté road trip et tous les personnages secondaires, ça crée une dynamique très originale. A quelques exceptions près, je me suis amusé à faire apparaître les personnages secondaires instantanément. On ne sait jamais d’où ils sortent, ils s’imposent d’eux mêmes dans le cadre, comme s’ils voulaient exister dans l’univers d’Amélie, Paolo et Cyril. Ils sont comme l’impondérable, constamment subis par les 3 protagonistes principaux. J’aime l’idée qu’on ne sache jamais vraiment d’où sortent les personnages secondaires. Ca vient d’une théorie totalement personnelle sur Amélie, Paolo et Cyril que je me suis imaginé, le fait qu’ils étaient en réalité tous les 3 dans un HP en train d’halluciner toutes les situations de la série. Rodriguez et Job sont les gardiens, les autres personnages sont totalement fous, l’ensemble jouant un rôle. Cyril n’est en réalité jamais sorti de l’HP. Bon… c’est un petit délire personnel, une interprétation au 15ème degrés de la série (rires).

 

Pourquoi le titre Frapuccino ?

Dans le scénario, Mathilde a écrit une réplique de Cyril (après que celui-ci ait agressé les deux coureurs avec Amélie dans l’Ep.5) : « rien de tel que le Frapuccino du matin ». La réplique fait référence au café, mais contient frapper (dans le mot). C’est une réplique amusante parce qu’elle renvoie également au côté italien, donc à Paolo. Je ne me souviens plus du titre de la série au départ, mais il n’était pas très efficace. A partir de sa réplique, j’ai suggéré à Mathilde d’en faire le titre de la série : Frapuccino.

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Vous montrez beaucoup de violence et stéréotype de façon amusante, notamment sur les Italiens et les Corses… Pourquoi les stéréotypes ? Pourquoi rendre la violence amusante ?

Je ne dirais pas qu’il y a énormément de stéréotypes dans la série. Il y en a évidemment, comme il y a beaucoup de clichés. C’est simplement parce que c’est toujours très amusant de jouer avec les stéréotypes et les clichés. On peut les tordre, les accentués, en rire. Le côté italien, c’est que Pierre-Emmanuel (Paolo) a des origines italiennes. Mathilde a donc écrit son personnage en fonction de ça. Il y a beaucoup d’intimité dans le processus d’écriture. Quelques vannes le sont aussi… je pense à la réplique de Job à la fin « T’es qu’un putain de petit Poucet l’ami », le nom de famille de Jules c’est Poucet (le comédien qui joue Cyril). J’aime cette proximité. Pour les Corses, je pense que ça renvoie aux rivalités qui ont pu exister entre les Italiens et les Corses. Mais évidemment, on aime autant les Italiens que les Corses. On vous aime les gars !

Pour la violence, c’était intéressant d’avoir un rapport à la violence contenu, ambiguë, qui doit être réglé (cf Amélie et Cyril). Les deux personnages le vivent quand même comme un handicap, un toc qui les place dans de mauvaises situations. Ce n’est pas si amusant que ça au final.

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Est-ce qu’il y a un message particulier de la série que vous souhaitez transmettre ?

Nosce te ipsum : connais-toi toi même. Non plus sérieusement, l’idée c’était surtout d’arriver avec un projet frais, ludique, déjanté. On souhaite surtout que le public s’amuse en regardant la série.

 

La raison pour laquelle les followers de NewVO Radio doivent suivre votre série ?

Parce que c’est de la balle !

 

Vu que c’est de la balle ( je confirme), je vous ajoute le lien de première épisode, pour que vous puissiez juger vous-même:

 

 

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