TENUE CORRECTE EXIGEE [2/2] : les dessous de l’exposition

Eva, 22 ans, est étudiante en histoire de l’art à l’école du Louvre. Outre le fait de faire partie de cette grande école, reconnue dans le milieu culturel et dans le monde, elle a eu l’occasion de faire un stage auprès de Denis Bruna, conservateur au musée des Arts Décoratifs de Paris. Elle a participé à la genèse de l’exposition «Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale», qui s’y tient actuellement et ce, jusqu’au 23 avril 2017. En spécialité histoire de la mode et du costume, elle nous raconte cette expérience.

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  • Tout d’abord, avant parler du stage en lui-même, quelle a été la démarche pour l’obtenir?

J’étais en 1ere année à l’école du Louvre et spécialité histoire de la mode et du costume. M. Denis Bruna, conservateur au musée des Arts Décoratifs de Paris était en charge des cours magistraux de la spécialité et a donc fait sa proposition directement en cours.

  • Quand a-t-il eu lieu?

Il a eu lieu à la fin de cette même année scolaire, en 2014 et a duré deux mois. Il commençait alors tout juste à préparer l’exposition actuelle du musée, «Tenue correcte exigée, quand le vêtement fait scandale». C’était à la naissance du projet.

Il y avait alors des dossiers par thématiques pour les recherches, quatre en tout: le transgenre, les excès, le déchiré et le transparent, contenant des photos, des articles, des idées de prêt etc. Mais étant inégales, ce découpage a été modifié dans le résultat final. Puis il y avait de petites sous-parties à placer comme les scandales de mode dans le domaine politique.

Alors qu’elle s’apprête à prendre la parole, Cécile Duflot se fait siffler par l’Assemblée à cause de cette robe, présentée dans l’exposition.

  • Quelles ont été tes tâches lors de ce stage?

Denis Bruna met un point d’honneur à former les stagiaires, on n’est pas là pour faire les photocopies ou le café. Avec une autre élève en stage en même moment, j’ai participé activement à la préparation de l’exposition.

Tout d’abord, je devais continuer les recherches. Puis la tâche principale était de préparer le dossier de mécénat pour démarcher les entreprises, souvent privées, du milieu de la mode : LVMH qui possède les grandes maisons de couture, H&M, etc. Le prêt-à-porter est un milieu en expansion, qui prend de l’importance. Il est ainsi tout à fait légitime de les contacter.

  • En quoi consiste un dossier de mécénat?

Alors c’est un petit dossier d’une vingtaine de pages. Il présente tout d’abord l’institution puis il y a une partie sur les bénéfices, qu’est-ce qu’on gagne à faire un don et enfin, il y a une dernière partie sur l’exposition en elle-même.

Il faut être synthétique pour convaincre en peu de mot et ce n’est pas toujours évident. Comme disait M. Bruna, « il faut rendre ça sexy« .

  • Sinon pour les recherches, quelles ont été tes sources?

Pour la recherche il y avait le centre de recherches, la bibliothèque des Arts Décoratifs. qui est très riche. Puis il y a la réserve à Saint-Denis. J’ai aussi beaucoup consulté de périodiques de mode pour avoir les réactions du grand public sur les pièces phares, j’ai regardé beaucoup de vidéo, de sites internet. C’est un sujet encore très actuel, qui concerne une période assez récente et qui nous concerne dans notre quotidien donc il ne faut pas négliger cette plateforme. Tout est bon à prendre!

La bibliothèque des Arts Décoratifs de Paris a aussi une version numérique pour les intéressés. 

  • En règle général, comment se conçoit une exposition?

Alors il y a deux possibilités:

ça peut être une proposition, une initiative personnelle du conservateur qui trouve que le sujet n’a pas été beaucoup traité et que cela peut intéresser, toucher un assez grand public ou alors, ça peut être une institution qui commande l’exposition, impose le sujet. C’est souvent le cas des rétrospectives. Par exemple, l’exposition pour l’anniversaire de Lanvin à Galliera, juste avant le départ de son directeur artistique, Albert Elbaz. Même si son départ a été annoncé après, dans bien des cas c’est prémonitoire!

Dans ce cas ci, il s’agit d’une initiative de Denis Bruna, qui a également traité le sujet en cours, à l’école du Louvre.

  • Ton stage a eu lieu en 2014 et l’exposition a ouvert en décembre 2016. Peux-tu expliquer un peu le cheminement pour comprendre pourquoi il faut tout ce temps?

Ce qui nous est expliqué, c’est qu’il n’y a pas de temps fixe mais il faut compter en moyenne 2 à 3 ans pour réaliser une exposition. Il faut trouver le thème, le creuser, faire les recherches. Puis une fois l’angle trouvé, organiser les idées, trouver les œuvres, penser la médiation.  On estime un temps et souvent, une fois la date fixée, les derniers mois sont une course contre la montre.

Il faut que ce soit prêt pour le vernissage mais aussi pour les personnalités avant qui vont voir l’exposition en avant-première et ça ne peut être à l’état de chantier.

L’évolution est grande du début à la présentation finale.  De nombreuses idées sont lancées mais tout n’est pas gardé car ça ne colle pas, pas le temps, pas assez cohérent puis il faut faire attention à ne pas mettre trop en avant un seul aspect mais bien tous les développer.

  • Comment sont choisies les œuvres présentées?

Il y a la pertinence mais aussi l’aspect financier. On va préférer les pièces dans les musées les plus proches ou dans les propres collections du musée.

Quand on fait venir une œuvre, on fait aussi venir le conservateur car seuls eux peuvent toucher l’oeuvre (la plupart du temps), question d’assurance. Il faut prendre en compte la disponibilité de chacun, l’hébergement du conservateur, la disponibilité de l’oeuvre aussi, qu’elle ne soit pas déjà prêtée/au repos/en restauration. Quand un vêtement est exposé quelques mois, il faut qu’il reste au repos, à plat dans un tiroir et dans du papier de soie pendant au moins un/deux ans.

  • Pour l’exposition en elle-même, je l’ai trouvée un peu lisse par rapport à ce que j’attendais. Je m’attendais à plus de provocation en fait. As-tu senti la même chose?

Assez oui, on ne sent pas toujours l’ampleur du scandale, pas pour tout. Mais je pense que c’est lié à ce point de vue français où il faut garder une légitimité d’un point de vue scientifique.

Après il y a une variété de sources, de pièces… On essaie de multiplier les sources et de rendre l’exposition la plus accessible possible, toucher un large public et surtout le faire participer avec les petits jeux, les vidéos etc.

En tant que stagiaire , c’était hyper intéressant de voir cette évolution, découvrir le résultat final. Même si certaines choses proposées n’y étaient pas finalement, il y avait d’autres choses qui m’ont agréablement surprise.

Au Vernissage, on voyait aussi une grande variété de style dans ceux qui venaient voir l’exposition. Il y avait un homme en jupe, un autre en chemise « crop top ».

  • En conclusion, que retiens-tu de ce stage?

Ce stage a été enrichissant. J’ai pu vraiment voir les dessous de la réalisation d’une exposition, me confronter à la réalité du travail, effectuer différentes tâches. Je remercie grandement M. Bruna pour cette opportunité!

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Et je remercie Eva d’avoir pris de son temps pour m’accorder cet entretien!

 

 

 

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