La Cyberdiplomatie et les nouveaux défis de la diplomatie mondiale

La Cyberdiplomatie et les nouveaux défis de la diplomatie mondiale.

Pour reprendre la définition de l’Institut d’études de sécurité de l’Union européenne (IESUE), la Cyberdiplomatie est un « ensemble de pratiques diplomatiques concernant la gouvernance du cyberespace au sens large. Il s’agit d’une nouvelle dimension des relations internationales. Les ministères des affaires étrangères sont normalement les principaux responsables de la conduite de la cyberdiplomatie, de concert avec les autres corps du gouvernement. Dans un certain nombre d’États, un ambassadeur ou un coordinateur en a la charge. La cyberdiplomatie est l’instrument principal pour préserver et défendre un cyberespace ouvert, libre, sûr et pacifique. La plupart du temps, cet objectif est poursuivi à travers des dialogues internationaux et la coopération avec les États et les organisations partenaires. ».

À l’aube du 21ème siècle, l’émergence du cyberespace a redéfini les dynamiques traditionnelles des relations internationales, propulsant la Cyberdiplomatie au cœur des stratégies géopolitiques mondiales. Les États-Unis en créant, en 2011, le Bureau du Coordinateur pour les Communications et la Politique des Technologies de l’Information au sein du Département d’État, reconnaissaient officiellement le rôle crucial de la diplomatie numérique dans la politique étrangère.

Cette nouvelle dimension de la diplomatie, exploitant les technologies de l’information et de la communication, fait face à des défis sans précédent tout en ouvrant des avenues prometteuses pour la gouvernance globale.

L’élargissement du champ de la diplomatie

La diplomatie classique, depuis les années 2000, enregistre des mutations avec l’apparition de la Cyberdiplomatie qui s’étend sur un large éventail d’activités, allant de la gestion des conflits dans le cyberespace à la négociation d’accords de cybersécurité, en passant par la promotion des intérêts nationaux au sein des politiques internationales du cyberespace. Avec le nombre d’utilisateurs d’Internet dépassant les 5,19 milliards en juillet 2023, selon le dernier rapport Digital de We Are Social et Melwater, la place du cyberespace dans la stratégie mondiale est devenue centrale, car l’espace numérique s’élargit à une vitesse exponentielle.

En France, la Cyberdiplomatie s’est vivement révélée lors des négociations pour l’Accord de Paris sur le climat en 2015. Les outils numériques et les réseaux sociaux avait été massivement utilisés à l’époque pour mobiliser le soutien public mondial et faciliter les discussions entre les nations, illustrant l’importance croissante des plateformes digitales dans les négociations internationales.

Les défis de la Cyberdiplomatie

En dépit de sa place centrale et de son importance, la Cyberdiplomatie est confrontée à des défis majeurs. L’anonymat du cyberespace complique l’attribution des attaques, entravant les réponses diplomatiques. Les visions divergentes sur la gouvernance d’Internet limitent la coopération internationale, tandis que l’évolution rapide des technologies défie la capacité des diplomates à rester informés. De plus, l’absence de normes internationales claires et les conflits juridictionnels rendent la coopération et l’application de la loi plus complexes.

L’attribution des cyberattaques reste un casse-tête, comme illustré par l’incident du virus Stuxnet en 2010. Pour rappel, ce virus a été utilisé pour cibler les installations nucléaires de l’Iran. La complexité de tracer l’origine de telles attaques souligne les difficultés inhérentes à la gestion des conflits dans le cyberespace.

La divergence sur la gouvernance d’Internet

Face aux multiples défis, l’avenir de la Cyberdiplomatie nécessite un renforcement de la coopération internationale, notamment par le partage d’informations sur les menaces et la coordination des réponses aux incidents. En outre, cela demande l’établissement de normes internationales consensuelles régulant le comportement des États dans le cyberespace. De plus, des mécanismes robustes pour la gestion des crises cybernétiques et la lutte contre la désinformation sont nécessaires pour protéger les sociétés.

Malheureusement, le débat sur la gouvernance d’Internet lors du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), organisé en deux phases (2003 et 2005), respectivement à Genève et à Tunis, a mis en évidence les divergences entre les pays favorisant une gestion décentralisée d’Internet, comme les États-Unis, et ceux prônant un contrôle plus étatique, tels que la Chine et la Russie. Ces divergences ont exposé les défis de parvenir à un consensus sur la régulation du cyberespace.

L’évolution des technologies à la vitesse de l’éclair

Malgré les avantages des dernières évolutions avec l’avènement de l’intelligence artificielle, la Cyberdiplomatie se trouve à un tournant critique, confrontée à des défis importants mais aussi dotée de possibilités qui peuvent remodeler l’avenir des relations internationales. Une approche collaborative, engageant les États, le secteur privé, et la société civile, est essentielle pour naviguer avec succès dans ce paysage complexe. En adoptant l’innovation et en s’adaptant aux réalités en mutation du cyberespace, la Cyberdiplomatie a le potentiel non seulement de surmonter ses défis actuels mais également de se projeter vers un avenir numérique plus sécurisé et inclusif.

Toutefois, l’évolution rapide des technologies incarnée par l’émergence de l’intelligence artificielle en diplomatie, comme le projet pilote de l’Union européenne lancé en 2019 pour utiliser l’IA dans l’analyse des données et la prise de décision, montre la nécessité pour les diplomates de s’adapter continuellement à de nouveaux outils et technologies.

L’absence de règlementations internationales claires

Le développement rapide des technologies de l’information et de la communication a mis en évidence ou le retard dans la mise en place (ou l’l’absence) de normes claires dans les débats autour de la cybersécurité au sein des Nations Unies. Les nombreuses instances de discussions et la formation de groupes de travail n’ont pas permis d’obtenir des progrès concrets. Alors que l’objectif de ces instances était d’établir des règles internationales acceptées par tous pour réguler le comportement des États dans le cyberespace.

Les conflits juridictionnels

Les conflits juridictionnels sont mis en évidence par l’affaire Microsoft contre le gouvernement des États-Unis en 2018, où la question était de savoir si les lois américaines pouvaient contraindre Microsoft à remettre des données stockées sur des serveurs en Irlande. Ce cas a fait ressortir les défis posés par les différences juridictionnelles dans la gestion des données transfrontalières et toute la complexité de la gestion des révolutions informatiques du point de vue juridique.

Néanmoins, en dépit des énormes défis, l’avenir de la Cyberdiplomatie pourrait être illustré par l’initiative CyberGreen. Créée en 2016, CyberGreen est une organisation mondiale à but non lucratif et collaborative qui mène des activités visant à améliorer la santé et la résilience de l’écosystème cybernétique mondial à travers la coopération internationale, symbolisant l’effort global nécessaire pour surmonter les défis et exploiter pleinement les opportunités pour un avenir numérique plus sûr.

En attendant, le monde s’effondre dans le virtuel et la population mondiale prend plaisir à l’observer, et même à l’admirer. Car, après tout, il n’y a plus que la liberté qui compte.

Ousmane BALDE, Consultant en communication et Analyste politique

Ousmane Balde
Ousmane Balde
Analyste politique et consultant en communication

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