L’extrême droite européenne à la veille des Européennes

L’extrême droite européenne à la veille des Européennes

En Europe, il ne fait plus aucun doute, l’extrême droite ‘’peut’’ accéder à la magistrature suprême. A l’instar de la Hongrie dirigée par Viktor Orbán et le FIDESZ depuis 2010, et la Pologne dirigée par Andrzej Duda depuis 2015, C’est au tour de l’Italie de franchir le pas en octobre 2022 en élisant Giorgia Meloni.

En France, les deux dernières élections présidentielles l’ont prouvé, avec la qualification successive à deux reprises au second tour de Marine Le Pen, que c’est possible, ou pour bientôt. Déjà, en Allemagne, Finlande, Suède et aux Pays-Bas, les partis de l’extrême droite gagnent en influence grâce à leur participation au sein des gouvernements et au sein du parlement européen.

Si ce phénomène n’était pas envisageable il y’a quelques décennies auparavant, aujourd’hui, il n’y a aucun complexe à appartenir à l’extrême droite ou à défendre des valeurs qu’elle revendique. Or, il y’a quelques années, c’était un péché d’appartenir à ces mouvements. Pourtant, au fil des ans, la stratégie de dédiabolisation du nationalisme à outrance et la déception des électeurs embourbés dans l’alternance Gauche – Droite ont favorisé l’émergence rapide des extrêmes. Aujourd’hui, à la veille des élections européennes, Comment analyse-t-on ces phénomènes ?

La menace est bien réelle, le vote populiste nationaliste prend de l’ampleur et menace la stabilité européenne. Raphaël Glucksmann l’a confirmé « l’UE est en danger externe et interne ». La montée en puissance des partis nationalistes combinée à la menace Russe suffise pour confirmer cette inquiétude.

Cependant, pour analyser ce phénomène, il faudra s’intéresser à plusieurs dimensions qui reflètent à la fois des tendances politiques, économiques et sociales à travers l’Europe.

La dédiabolisation de l’extrême droite en Europe : une montée en puissance aux multiples facettes

Dans le paysage politique européen, l’ascension des partis d’extrême droite représente un phénomène complexe et multidimensionnel, marqué par des campagnes de dédiabolisation, des ajustements programmatiques et une réponse à diverses crises sociales et économiques (loi anti-immigration, protectionnisme économique, sécurité, etc…). Ces mouvements, incarnés par des partis tels que le Rassemblement National (RN) en France, Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le Parti de la liberté en Autriche (FPÖ), ont capitalisé sur une insatisfaction croissante vis-à-vis des partis traditionnels, exacerbée par des crises migratoires, économiques et identitaires.

Stratégies de dédiabolisation et convergence thématique

La dédiabolisation, stratégie clé de ces partis, vise à normaliser leur image, s’éloignant des stéréotypes associés à l’extrémisme pour se rapprocher des préoccupations du citoyen moyen. Le RN, sous la houlette de Marine Le Pen, en est un exemple éloquent, ayant su se positionner comme un acteur incontournable de la politique française, notamment lors des élections présidentielles de 2017 et 2022. Cette approche n’est pas isolée mais reflète une tendance plus large en Europe, où des thèmes tels que l’immigration, la souveraineté nationale, le scepticisme à l’égard de l’Union Européenne et le protectionnisme économique dominent le discours de l’extrême droite.

Divergences, alliances et influence politique

Malgré une base thématique commune, les partis d’extrême droite en Europe ne forment pas un bloc homogène. Les divergences, notamment sur les relations internationales ou les politiques économiques (attitude contre la Russie, la critique de l’OTAN, politiques fiscales, etc…), n’empêchent pas des tentatives d’alliances, comme celles observées au Parlement européen. Ces coalitions, telles que le groupe Identité et Démocratie avec le RN (France), AfD (Allemagne), FPÖ (Autriche), Vlaams Belang (Belgique) et SD (Suède)., illustrent un « nationalisme internationalisé », cherchant à maximiser leur influence politique au-delà des frontières nationales. Ces partis ont en commun des points de vue eurosceptiques, nationalistes, anti-immigration, et souverainistes.

Réponse aux crises et impact sociétal

L’extrême droite a également gagné en popularité en proposant des réponses simplistes à des crises complexes, telles que la crise migratoire ou la pandémie de COVID-19. Cette stratégie, illustrée par la politique anti-immigration de Viktor Orbán en Hongrie, exploite la « politique de la peur » pour mobiliser le soutien électoral. L’influence croissante de ces partis pousse même des formations centristes à adopter des positions plus rigides sur des enjeux comme l’immigration, témoignant d’une « contagion idéologique » au sein du spectre politique européen. C’est, par exemple, le cas en France où la loi immigration proposée par le gouvernement a été largement soutenue par le Rassemblement national qui s’est même félicitée d’une « victoire idéologique ».

Toutefois, face à la montée en puissance de l’extrême droite, des contre-mouvements émergent. En plus des mouvements classiques (partis de gauche et d’extrême gauche), les organisations de la société civile restent mobilisées. Ces multitudes de mouvements, incarnant une « résilience démocratique » qui défend les valeurs d’inclusion et de diversité, visent à contrer la rhétorique de division et à promouvoir un dialogue social plus harmonieux. Comme c’est le cas du mouvement des « Sardines » en Italie.

Quoique, à la veille des élections européennes, malgré toute la mobilisation contre l’extrême droite, la poussée de celle-ci est réelle et elle inquiète les européens. Elle se hisse à la tête de plus en plus de pays et se trouve à un carrefour stratégique, confrontée à la fois à la possibilité de consolider sa position sur l’échiquier politique et à des défis internes et externes significatifs. Les résultats des prochaines élections constitueront un baromètre crucial pour mesurer l’impact de ces partis sur la direction future de l’Europe, entre aspirations nationalistes et impératifs de cohésion continentale.

Néanmoins, ce panorama de l’extrême droite européenne met en lumière une dynamique politique en pleine évolution, où la dédiabolisation, les stratégies discursives et les réponses aux crises façonnent le paysage politique contemporain. La manière dont l’Europe répondra à ces défis déterminera non seulement l’avenir de ses institutions mais aussi celui de ses valeurs démocratiques fondamentales dans un contexte international extrêmement complexe.

Ousmane Baldé, Analyste politique et Consultant en communication

Ousmane Balde
Ousmane Balde
Analyste politique et consultant en communication

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